François Lachaud

François Lachaud consacre ses travaux à l’histoire religieuse du Japon, à l’histoire de l’art et à la culture matérielle, en s’intéressant particulièrement au bouddhisme et à ses formes de vernacularisation. Il étudie également la littérature classique et ses liens avec les représentations du pouvoir, de la guerre et du sacré. Ses recherches explorent les emprunts, transmissions et convergences entre le Japon et les traditions étrangères—qu’il s’agisse du monde chinois, eurasien ou des ethnies minoritaires d’Asie du Nord-Est. Son approche, combinant étude des textes, iconographie et comparaison historique, met en lumière les dynamiques de construction et de circulation des savoirs du Japon médiéval à l’époque moderne

I- Folklore, arts populaires et religion locale dans le Japon moderne

François Lachaud étudie les liens entre folklore, religion et culture matérielle au Japon, en particulier dans le Tōhoku et à Hokkaidō. Ses travaux portent sur le développement des études folkloriques, la redécouverte des arts populaires et les traditions des peuples autochtones d’Asie du Nord-Est, notamment les Aïnous.

Une figure centrale de ses recherches est Enkū (1632–1695), moine itinérant et sculpteur dont l’œuvre illustre la fusion entre la dévotion bouddhique, l’ascèse montagnarde et les croyances locales. Vagabond des routes, il parcourut le Japon jusqu’à Ezo (Hokkaidō), où il laissa derrière lui des milliers de statues de bois frustes—offrandes de foi plutôt qu’exercices de style—qui annoncent les idéaux de ceux qui, bien plus tard, œuvrèrent à la sauvegarde des arts populaires et des traditions en voie de disparition. Son travail, tout comme celui de Mokujiki (1718–1810), fut redécouvert par des chercheurs et collectionneurs sensibles à sa simplicité et à sa charge spirituelle.

L’univers religieux d’Enkū était celui des croyances entremêlées, où pratiques bouddhiques, rites chamaniques et cultes locaux coexistaient. Parmi ces traditions, Lachaud s’est penché sur le culte d’Oshirasama, divinité vénérée dans les communautés rurales à travers des rituels conduits par des chamanes aveugles. Solidement ancrée dans le monde agricole, cette tradition s’inscrit aussi dans un fonds spirituel plus ancien, issu des cultures autochtones d’Asie du Nord-Est, où chamanisme et bouddhisme se sont longtemps côtoyés. Yanagita Kunio (1875–1962) a recueilli des croyances similaires dans ses études pionnières sur la culture orale du Tōhoku, décrivant cette région comme un bastion de résilience et d’adaptation.

F. Lachaud inscrit ces traditions japonaises dans une perspective comparative plus large, s’appuyant sur les travaux de chercheurs allemands et scandinaves qui ont étudié la transmission des croyances et des pratiques matérielles chez les peuples autochtones. Leurs recherches offrent un éclairage précieux sur la manière dont les patrimoines régionaux se façonnent et se perpétuent à travers les générations.

II- Guerriers, moines et fantômes : les chroniques médiévales et leurs héritages

F. Lachaud étudie la formation et l’évolution de la figure du guerrier dans les récits épiques japonais, en particulier le Heike monogatari, le Gikeiki, le Soga monogatari et le Taiheiki. Composés entre le XIIe et le XIVe siècle, ces textes articulent héroïsme et renoncement, mettant en scène des bushi confrontés à l’impermanence (mujō) et à l’issue inexorable du destin.

L’étude des shura mono, ces pièces de nō consacrées aux esprits tourmentés des guerriers déchus, éclaire la construction d’un héroïsme tragique et la manière dont ces récits ont nourri un répertoire iconographique où se mêlent bouddhisle, mémoire, et sacralisation du conflit armé.

À la même époque, dans le monde germano-scandinave, les chroniques et récits de rois et de guerriers s’inscrivent dans une dynamique comparable, interrogeant les tensions entre gloire et fatalité, continuité des lignées et effacement du souvenir. Si les structures sociales et les cadres religieux diffèrent profondément, ces récits partagent une réflexion sur l’inscription du guerrier dans l’histoire et sur les modalités de sa transmission littéraire. Cette mise en regard ne suppose pas une stricte équivalence mais éclaire les processus par lesquels des sociétés aux trajectoires distinctes ont inscrit et transmis la mémoire de leurs figures héroïques.

III- Moines, antiquaires et explorateurs : échanges culturels en Asie orientale (1600–1900)

F. Lachaud explore l’influence de l’école Zen Ōbaku, fondée par Yinyuan Longqi (1592–1673), sur les pratiques religieuses et artistiques du Japon d’Edo. Son enseignement et son réseau ont marqué les milieux savants et l’antiquariat, tout en façonnant une approche renouvelée de la culture matérielle et de l’histoire des objets

Parallèlement, F. Lachaud s’intéresse aux enquêtes menées par Matsuura Takeshirō (1818–1888), explorateur et antiquaire, dont les relevés et les collections offrent un témoignage précieux sur les traditions du nord du Japon, notamment celles des "ethnies minoritaires". Ces observations, bien qu’ancrées dans un contexte d’expansion territoriale, révèlent une volonté de documenter et de comprendre les formes de transmission culturelle propres à ces communautés.

À travers ces recherches, F. Lachaud analyse les circulations savantes et les modes de transmission des connaissances entre les acteurs religieux, lettrés et antiquaires. En examinant comment les objets, les textes et les savoirs autochtones ont été interprétés et intégrés dans les discours érudits, il éclaire les dynamiques d’appropriation et de recomposition des savoirs dans le Japon prémoderne.

François Lachaud
François Lachaud

Directeur d'études

Bouddhisme et civilisation japonaise
Buddhism and Japanese Civilization


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