ÉPIGRAPHIE ET MÉMOIRE ORALE DES TEMPLES DE PÉKIN

Histoire sociale d'une capitale d'empire


北京寺廟碑刻與社會

 

Restitution du monastère tibétain du Huguosi. Dessin de Wang Nan, École d’architecture de l’université Tsinghua
Restitution du monastère tibétain du Huguosi. Dessin de Wang Nan, École d’architecture de l’université Tsinghua

Présentation du programme

Le programme sur les temples de Pékin est conduit par l'École française d'Extrême-Orient, avec le soutien de l'École Pratique des Hautes Études et de l'Université Normale de Pékin, en étroite collaboration avec plusieurs institutions académiques françaises et chinoises. L'équipe de recherche est composée d'une douzaine de professeurs et de chercheurs, et de nombreux étudiants français et chinois. Depuis son commencement en 2003, le programme a formé des dizaines d'étudiants en master et en doctorat dans les disciplines de l'épigraphie, de l'histoire religieuse et de la recherche de terrain. Il comprend les volets suivants :

Cartes : La fameuse "Carte complète de la capitale", dessinée par ordre de l'empereur Qianlong entre 1745 et 1750, reproduit au 1/650e tout le bâti et la voirie du Pékin intra-muros de cette époque ; plusieurs centaines de temples y sont représentés et identifiés par leur nom. Dans la partie nord, appelée ville tartare, nous avons repéré 830 temples. L'enquête systématique sur place et le concours des habitants, nous a permis de localiser plus de 700 édifices religieux supplémentaires dans ce périmètre relativement mieux préservé des destructions des dernières décennies. Le programme porte désormais sur les 1500 temples qui ont existé dans cette partie de la ville entre le XIIIe et XXe siècle.

Les temples de l’îlot 9 de la ligne 4 sur la carte de Qianlong
Les temples de l’îlot 9 de la ligne 4 sur la carte de Qianlong

Steles : Nous avons inventorié plus de 650 inscriptions en chinois, mais aussi en mandchou, mongol et tibétain, se rapportant aux temples de la ville tartare. Gravées à l'origine sur des stèles dressées dans les cours des temples, la plu¬part ne subsistent aujourd'hui que sous la forme des estampages levés dans la première moitié du XXe siècle et conservés dans les biblio-thèques. Un nombre considérable d'estampages ont été heureuse¬ment publié, et sont désormais éga¬lement accessibles en ligne. Nous avons pu recopier l'ensemble des inscriptions, tantôt à partir des reproductions, tantôt d'après les estampages originaux. Dans nos publications, nous reproduisons l'estampage de chaque stèle, sa transcription dans la mise en page originale et une version ponctuée.

Vérification in situ de la transcription d’une inscription du temple, Guanghuasi en 2013
Vérification in situ de la transcription d’une inscription du temple, Guanghuasi en 2013

Archives : Les archives de la dynastie des Qing représentent une masse gigantesque de documents dont nous n'avons pu exploiter qu'une quantité minime. Nous nous sommes limités aux archives produites par la Maison impériale (Neiwufu) dont environ 6000 dossiers contiennent des informations utiles. Ils concernent au premier chef la centaine de temples patronnés par la cour et témoignent de l'énorme investissement consenti pour l'entretien des temples et les activités liturgiques. Nous avons en revanche fait un usage systématique des documents conservés aux Archives municipales de Pékin, issus des campagnes successives d'enregistrement des temples entre 1929 and 1947. Un millier de dossiers concernent plus de 450 fondations religieuses. Ils livrent les inventaires des biens mobiliers et immobiliers des temples, ses terrains - champs cultivés ou cimetières des religieux -, ses statues, ses cloches, ses stèles et ses ustensiles de culte. Les procès-verbaux des entretiens entre les fonctionnaires enquêteurs et le responsable du temple dévoilent des pans de l'histoire des lieux et de la vie des religieux à demeure. Mais de façon générale, les archives républicaines ne fournissent aucune information sur les communautés de fidèles qui fréquentaient les temples ou les cérémonies qui s'y déroulaient.

Littérature : Dès la dynastie des Ming, une abondante littérature de description de la capitale s'est constituée. Ses auteurs s'attachent à en décrire les principaux sites, parcs, jardins et palais, mais surtout ses temples et monastères renommés. Souvent une partie de l'épigraphie des lieux de culte y est reproduite. Nous avons réuni un corpus significatif d'ouvrages anciens et modernes sur la capitale et recensé tous les contenus pertinents pour notre recherche.

Enquêtes : Afin de dresser l'état des lieux des fondations religieuses du passé, nous avons localisé tous les temples portés sur la carte de Qianlong ainsi que ceux que l'épigraphie, la littérature ou l'enquête de terrain nous a permis de découvrir. Parmi les quelque 1500 temples inventoriés, seuls environ deux cents subsistent encore, le plus souvent sous la forme d'une seule salle, voire d'un arbre, parfois dans un ensemble de bâtiments réaffectés à d'autres usages, habitation ou administration, et on ne compte que six fondations religieuses en activité. Dans la grande majorité des cas, les temples n'existent plus que dans la mémoire des vieux résidents.

Le temple du dieu des Richesses, Caishenmiao, près de la tour du Tambour, 2012
Le temple du dieu des Richesses, Caishenmiao, près de la tour du Tambour, 2012

Site Web : Toutes nos données, y compris les copies des inscriptions et les comptes -rendus des enquêtes de terrain, sont conservées dans une base de données qui, à terme, sera rendue publique.

Publication : Une partie des résultats de notre programme est publiée sous la forme d'une collection d'ouvrages qui comptera onze volumes. Chacun des volumes est consacré à un des onze bandeaux par lesquels la carte de Qianlong découpe la ville tartare. Chaque temple y fait l'objet d'une notice rédigée chronologiquement à partir des données de la littérature, de l'épigraphie, des archives impériales et républicaines et des enquêtes ; les estampages des inscriptions sont accompagnés d'une transcription qui en facilite la lecture, et des photographies récentes ou anciennes sont reproduites. Quatre volumes totalisant plus de 2300 pages ont été publiés à ce jour à la maison d'édition de la Bibliothèque nationale de Chine.

Temples et stèles de Pékin, vol. 4, 2 tomes
Temples et stèles de Pékin, vol. 4, 2 tomes

Marianne Bujard (吕敏), éd., Ju Xi, Guan Xiaojing 關笑晶, Wang Minqing 王敏慶 et Lei Yang 雷陽, Beijing neicheng simiao beike zhi 北京内城寺廟碑刻志 (Temples et stèles de Pékin), vol. 4, 2 tomes, 916 p., Pékin, Guojia tushuguan 國家圖書館出版社 (Bibliothèque nationale de Chine), 2017 (Ce quatrième volume contient les notices relatives à cent quarante-trois temples, cent trente-neuf inscriptions commémoratives sur pierre et six autres sur divers objets rituels ; les stèles en mandchou, en tibétain et en mongol ont été retranscrites grâce au concours de Françoise Wang, Tsultrim Sangyé et Alice Crowther).