Taoïsme et société locale
Alain Arrault et Patrice Fava
La statuaire du Hunan, dont les plus anciens spécimens datent de la fin des Ming et les plus récents des années 1960, a comme particularité de représenter des taoïstes, auxquels on rend un culte sur les autels domestiques, à côté des ancêtres et des divinités du panthéon. La canonisation de taoïstes, sous cette forme et à cette échelle, n'existe, semble-t-il, nulle part ailleurs en Chine, mais ce qui fait l'intérêt supplémentaire de ces statues est qu'elles contiennent des certificats de consécration (yizhi) très détaillés, qui permettent de les identifier, de les dater, de connaître l'adresse de l'autel où elles ont été installées, les raisons pour lesquelles elles ont été faites et par qui.
Ces certificats, qui sont placés à l'intérieur de la statue au moment de sa consécration, constituent une source documentaire d'un grand intérêt, qui, complétée par les monographies et archives locales, les stèles, les livres généalogiques, et par des enquêtes de terrain, permettra de faire l'histoire locale de cette société dans laquelle le taoïsme occupe une place centrale. En effet, à côté des taoïstes, un grand nombre de personnages (médecins, herboristes, ancêtres, shamans, sages-femmes, guerriers, etc.) sont aussi représentés en taoïste, avec dans une main le " baton de commandement des cinq tonnerres " et dans l'autre le bol d'eau lustrale, ce qui signifie qu'à des dégrés divers ils sont aussi des " initiés " taoïstes. Il s'agit en quelque sorte d'une " taoïsation " du culte des ancêtres, phénomène aussi remarquable que méconnu.
Entre les taoïstes qui sont entrés dans le panthéon et ceux qui pratiquent aujourd'hui les grands rituels d'offrande, les cérémonies funéraires, les rites de passage pour les adolescents, l'expulsion des dieux des pestilences, les exorcismes, la consécration des statues, etc., les ressemblances sont probablement plus nombreuses que les différences, en dépit des bouleversements économiques et sociaux que connaît la Chine depuis tant d'années. Mais, si la présence et la pratique des taoïstes actuels permettent d'identifier ces statues et de comprendre les documents qu'elles contiennent, les statues elles-mêmes éclairent de facon inédite l'histoire locale et révèlent, de façon inattendue, les structures socio-religieuses du centre du Hunan.

Cahiers d'Extrême-Asie, vol. 31 (2022)
Nouvelles perspectives pour l'histoire chinoise ?
Société locale et archives
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