Nous avons l’immense tristesse d’annoncer la disparition du Professeur Silvio Vita, spécialiste de l’histoire religieuse, culturelle et intellectuelle du Japon, brutalement survenue à Kyōto le 18 juin dernier, à l’âge de 68 ans, des suites d’une longue maladie affrontée avec lucidité et courage, sans jamais perdre espoir. Après avoir étudié à Rome au lycée classique où il acquit son goût pour les humanités gréco-latines, dans lesquelles il avait obtenu son premier diplôme à l’université de Naples, Silvio Vita entreprit à l’Istituto Universitario Orientale de la même université un cursus de chinois et de japonais, prolongé par des séjours d’études à l’université de Kyōto et à l’université de Princeton. Il fut directeur de l’Italian School of East Asian Studies de 2001 à 2005, puis de 2008 à 2012 et, enfin, son coordinateur scientifique. À ce titre, il collaborait étroitement et efficacement depuis plus de vingt ans avec le Centre de l’École française d’Extrême-Orient de Kyōto, notamment à l’organisation de conférences — dont le cycle mensuel des "Kyoto Lectures" qu’il avait initié — et de colloques. Il fut également, depuis 2001, membre du comité de rédaction, puis du comité scientifique des Cahiers d’Extrême-Asie édités à Kyōto par l’EFEO, et siégea au conseil d’administration, puis au conseil scientifique de notre établissement. Homme dont la culture prodigieuse s’apparentait à celle d’un humaniste classique, son savoir généreux et son urbanité lui permettaient de mener à bien des propositions concrètes sans jamais se départir du recul que donnent l’ironie et l’humour. Ses enseignements, ses capacités d’écoute, sa pratique de l’amitié ont marqué plusieurs générations de chercheurs et d’étudiants. Les centres d’intérêt de Silvio Vita étaient particulièrement vastes, allant du bouddhisme chinois et japonais au shintō et à l’histoire des religions japonaises au sens le plus large. On lui doit notamment l’édition d’un ouvrage sur les apocryphes bouddhiques retrouvés au monastère Nanatsudera de Nagoya en 1990 (Ochiai Toshinori, éd. par Silvio Vita, The Manuscripts of Nanatsudera: A Recently Discovered Treasure-House in Downtown Nagoya, Kyōto, ISEAS, 1991) et l’édition des actes de deux importants colloques sur les études bouddhiques organisés à l’université "L’Orientale" de Naples en 2001 et en 2004 (Buddhist Asia 1, Buddhist Asia 2, ISEAS). Par suite de la découverte en 2011, à la Bibliothèque vaticane, d’un important fonds d’archives de l’époque d’Edo relatives au catholicisme, Silvio Vita s’était intéressé à plusieurs figures missionnaires, dont celle de Mario Marega (1902-1978), un missionnaire salésien, d’abord comme traducteur en italien du Kojiki, puis à son œuvre dans l’histoire du catholicisme moderne japonais. Ce fonds a donné naissance à un important programme italo-japonais, le Marega Project, dans lequel Silvio Vita a joué un rôle essentiel. Il a été l’un des coéditeurs d’un manuel de paléographie fondé sur ces archives (Reading Japanese Documents from the Marega Collection: An Introductory Manual with Selected Texts, Rome, Biblioteca Apostolica Vaticana, 2021). Ses obsèques ont été célébrées le 20 juin à Kyōto en présence de nombreux amis et collègues. Ses cendres seront réparties entre Kyōto — la ville qu’il aimait et où il avait étudié et vécu depuis la fin des années 1970 — et Rome. L’EFEO perd un éminent collègue et un ami très cher, à la personnalité attachante, dont l’implication fut constante pour animer la collaboration entre nos deux centres de recherche installés depuis 2018 au sein du même bâtiment à Kyōto. Nous adressons nos plus sincères condoléances à son épouse et à ses deux enfants. Christophe Marquet, Martin Nogueira Ramos, François Lachaud |