In Memoriam Anatole-Roger Peltier

In Memoriam Anatole-Roger Peltier (1945-2018)

Anatole-Roger Peltier est décédé le 25 novembre dernier à Chiang Mai où il résidait depuis presque quatre décennies. Né à Saïgon en 1945, il possédait des origines à la fois vietnamiennes, laotiennes et françaises et avait été nourri de ces trois cultures. Entré à l’EFEO à l’âge de 25 ans, après avoir été diplômé de l’EPHE et de l’École nationale des langues orientales vivantes, il fit jusqu’à sa retraite en 2010 la quasi-totalité de sa carrière en Thaïlande, si l’on excepte une période de deux années passées au Laos. Il fut d’abord en poste à Bangkok entre 1972 et 1978, puis à Khon Kaen de 1978 à 1980 avant de s’installer définitivement à Chiang Mai. Il enseigna et conduisit des recherches en partenariat avec diverses universités thaïes : Songkhla, Silpakorn, Khon Kaen, Chiang Mai, Rajabhat (CM), mais également avec l’Institut de recherche sur la Culture lao à Vientiane et avec des institutions bouddhiques shan en Birmanie ou lü aux Sipsong Panna (Yunnan). Il obtint en 1976, à l’université Paris 7- Jussieu, un doctorat de 3e cycle pour une thèse portant sur la biographie de moines thaumaturges thaïs, puis soutint dix ans plus tard une thèse d’État à l’université Paris 4- Sorbonne traitant de la littérature classique lao. Ces deux thèses ont été publiées dans la collection des monographies EFEO. 

À partir de 1987, les travaux d’Anatole Peltier concerneront presqu’exclusivement la traduction et l’édition de textes représentatifs des littératures taï du Nord de la péninsule Indochinoise : « classiques », légendes, préceptes bouddhiques, proverbes, poèmes, etc., publiés en différentes langues avec leurs caractères distincts : khün, taï-lü, taï-nüa, lao, yuan… Il compilera également pour certaines de ces langues des glossaires et rédigera des manuels. Généralement présentées en livrets ou fascicules illustrés, ses publications, se succédant à un rythme soutenu, connaîtront une importante diffusion, particulièrement en Thaïlande et en Birmanie, mais aussi au Laos et jusqu’au Nord du Vietnam. S’étant progressivement éloigné de la recherche institutionnelle française voire occidentale, Anatole Peltier poursuivit un projet largement indépendant, à l’écart de la plupart de ses anciens collègues. Par contraste, son activité trente ans durant pour faire connaître et circuler depuis Chiang Mai toute une documentation vernaculaire, populaire ou religieuse, lui assurera une reconnaissance durable dans les milieux académiques et culturels thaïs, y compris celle de la princesse Sirindhorn. Ses nombreuses publications, destinées à un large public, lui vaudront aussi une véritable renommée dans des localités de populations lü ou shan, à Keng Tung notamment, et une réputation de pieux lettré dans nombre de monastères bouddhiques.

Yves Goudineau