Sa Majesté Norodom Sihamoni,
Roi du Cambodge
à l’EFEO

22 novembre 2006
© École française d'Extrème-Orient 2007
Exposition virtuelle



M. Jean Leclant

Extrait de l’allocution d’accueil de M. Jean Leclant secrétaire perpétuel
de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres
Séance de rentrée Vendredi 24 Novembre 2006
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           Sire,

C’est un éminent privilège, dont nous mesurons tous le prix exceptionnel, que la séance de rentrée de notre Académie des Inscriptions et Belles-Lettres soit honorée de Votre Auguste Présence.

Les Parisiens ont pu ces derniers jours suivre les étapes de Votre visite d’Etat et mesurer l’intérêt si vif que vous attachez aux institutions et aux réalisations de notre pays. Nous savons tous comment Votre Vénéré Père, Sa Majesté le Roi Norodom Sihanouk, a tenu à ce que vous meniez vos études primaires au Lycée Descartes de Phnom Penh. Puis les aléas de l’histoire vous ont conduit en Tchécoslovaquie où, après le baccalauréat, vous avez poursuivi vos études à l’Académie d’Art musical de Prague, soutenant en 1975 une thèse sur « la conception et la gestion des écoles artistiques au Cambodge ».

Prisonnier des Khmers rouges et détenu avec Vos parents de 1976 à 1979, vous êtes parti en exil en République populaire de Chine avant de gagner la France où, à partir de 1981, Vous avez été professeur de pédagogie artistique et de danse classique successivement au Conservatoire Marius Petipa, au Conservatoire Gabriel Fauré, puis au Conservatoire Mozart de la Ville de Paris. Président de l’Association académique khmère en France, puis Directeur général de la Société Royale khmère de cinématographie, Votre poste a été de 1993 à 2004 celui d’Ambassadeur du Cambodge auprès de l’Unesco ; c’est en cette qualité que Vous aviez bien voulu alors rendre une première visite à notre Académie dont je conserve très pieusement le souvenir. Membre en 2004 du Haut Conseil de la Francophonie, Vous avez été aussi nommé membre du Haut Conseil privé de Sa Majesté le Roi Norodom Sihanouk, puis, quand celui-ci a décidé de se retirer en octobre 2004, Vous avez été choisi comme Roi du Cambodge à l’unanimité des membres du Conseil du Trône.

C’est ainsi à un francophone, à un francophile convaincu qui a longtemps séjourné en France, que j’ai l’honneur insigne de m’adresser.

Il y a deux jours mercredi matin, à l’Ecole française d’Extrême-Orient, avenue du Président Wilson, a été dévoilée par Vous-même, en présence du Ministre François Goulard, délégué à l’Enseignement Supérieur et à la Recherche, et du Professeur Franciscus Verellen, directeur de l’Ecole française d’Extrême-Orient, que nous avons l’avantage de compter au nombre des correspondants de notre Académie, une plaque constituant l’hommage de cette haute institution française de recherche « à Sa Majesté Norodom Sihanouk Roi du Cambodge, membre d’honneur de l’Ecole française d’Extrême-Orient depuis 1947, grand donateur ». Ce monument de reconnaissance exprime parfaitement les sentiments qui sont ceux de nous tous ici.
Notre Compagnie, dont la vocation essentielle est l’étude des manifestations et des témoignages si divers de la culture au cours des siècles à travers le monde et en conséquence la défense des valeurs de l’humanisme universel, a toujours suivi, avec une attention constante, l’intérêt porté par les savants français au Cambodge et en particulier l’œuvre accomplie en ce sens par l’EFEO, depuis la création en Indochine en 1893 d’une mission archéologique qui a reçu son statut en 1900. Dès 1901 paraissait l’ « inventaire descriptif des monuments du Cambodge » d’Etienne Lunet de La Jonquière ; étaient dès lors poursuivies de manière systématique les reconnaissances des premiers explorateurs : Doudart de Lagrée, Louis Delaporte et Etienne Aymonier. Le jeune sinologue Paul Pelliot, qui devait devenir un des membres les plus illustres de notre Académie, reprend et commente la vieille traduction, faite dès 1819 par Abel Remusat, de la relation de voyage à Angkor du Chinois Zhou Daguan (à la fin du XIIIe s.). En 1923 est publié l’extraordinaire plan japonais d’Angkor du XVIIe siècle conservé à la Bibliothèque de Mito. Se développent les recherches d’épigraphie khmère où s’illustrent George Coedès, Georges Maspero (père d’Evelyne Porée-Maspero), Jean Filliozat, Claude Jacques. Sur le terrain sont dégagées de la forêt qui les recouvrait les ruines d’Angkor ; à ce travail de titan sont associés les noms de Henri Marchal, Parmentier, George Groslier, Glaize, Bernard-Philippe Groslier, de Jacques Dumarçay, pour ne citer que quelques noms parmi les archéologues qui se sont attachés à la résurrection des trésors de l’architecture khmère.

Je ne mentionnerai ici que les plus récents travaux : la consolidation de la terrasse du roi lépreux et du perron de la terrasse Nord des éléphants au cœur d’Angkor Tom, l’étude du Khleang Sud, le vaste programme de restauration du Baphuon en cours de réalisation par M. Pascal Royère, à qui notre Académie vient de faire remettre le Grand Prix de la Fondation Prince de Polignac ; tandis que la base de ce temple-montagne avait été dégagée dès 1908, les travaux d’anastylose de ses trois étages, commencés en 1960, avaient été abandonnés en 1971 ; en février 1995, la reprise des travaux avait été inaugurée par Sa Majesté le Roi-Père Norodom Sihanouk ; la majeure partie du travail est désormais accomplie.

Il faudrait encore tenir compte du sauvetage des manuscrits conservés dans les monastères, textes sur feuilles de latanier ou de papier chinois, en khmère ou en pâli, par l’équipe animée par Olivier de Bernon. De nombreux articles scientifiques, de gros volumes devenus des classiques constituent les témoignages mis à la portée de tous des trésors du Patrimoine mondial que constituent les monuments : temples, reliefs et textes du Cambodge – un énorme bilan associant nos deux pays.

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