Pascal Royere

Le contexte : 

Le Mébon occidental est une composition architecturale à vocation cultuelle implantée sur un îlot situé au centre géométrique du Baray occidental d’Angkor, dans la partie ouest du parc archéologique. Dans sa constitution actuelle, l’ensemble est très largement ruiné, en dépit d’une entreprise partielle de restauration réalisée par Maurice Glaize, de l’École française d’Extrême-Orient, au début des années 1940 (de décembre 1942 à décembre 1944).

L’îlot sur lequel est implanté l’édifice émerge des eaux du Baray occidental sous la forme d’une parcelle de dimension rectangulaire dont la longueur est orientée suivant la direction Est-Ouest. Le dispositif architectural n’occupe que la moitié occidentale de la parcelle, laissant une langue de terre inoccupée sur l’extrémité opposée. Bien qu’aux ¾ effondré, il est possible d’en restituer les grandes lignes.

La partie occidentale de l’îlot est creusée d’un bassin de forme quadrilatère, aux berges parementées de gradins réguliers appareillés en grès, au milieu duquel émerge un îlot de 9,70 x 8,70 m de côtés. Cet îlot présente lui-même deux aménagements sans doute complémentaires constitués de deux puits juxtaposés sur l’axe Est-Ouest. L’un est de forme octogonale, et présente un dispositif de maçonneries rayonnantes, l’autre est de surface rectangulaire et semble pénétrer le précédent. On notera que sur la face orientale, l’îlot est relié aux berges du bassin par une chaussée de terre, dont les talus latéraux étaient parementés d’une maçonnerie de grès et de latérite. Enfin, c’est dans le puits occidental qu’ont été découverts les restes d’une monumentale statue en bronze représentant Visnu se reposant sur l'océan cosmique (statue exposée au musée National de Phnom Penh).

Le bassin est enfermé dans un dispositif d’enceintes unique à Angkor, constitué d’un mur appareillé de grès de 2,70 m de hauteur, à base mouluré, corniche et chaperon  de couronnement, lui-même régulièrement ajouré de baies fermées par des balustres.

Sur chacune des façades, le mur est interrompu par 3 édifices régulièrement espacés qui forment autant de points de passage de l’extérieur vers l’intérieur du dispositif. Il s’agit d’édifices relevant de la typologie du Prasat angkorien, constitué d’une salle de passage étroite (ne semblant a priori pas relever d’une cella abritant une divinité) percée de deux portes à composition classique (fronton à nagas sur pilastre et linteau décoratif) sur les faces Est et Ouest, et couverte par une structure à faux étage en retrait surmonté d’un double motif de boutons de lotus successivement ouverts et fermés.

 

Le projet : 

Le programme engagé dans le cadre de la coopération scientifique et technique française à Angkor vise à atteindre les objectifs suivants : 

- Étude archéologique du monument et de son fonctionnement dans un contexte hydraulique particulier : le baray occidental

- Restauration des principaux édifices de l'ouvrage dont plus de 80% des superstructures sont aujourd'hui écroulées

- Formation aux métiers de la Conservation patrimoniale d'un collège de conservateurs 

Ce projet a donc pour objectif l’étude archéologique complète du site monumental et de ses abords, et la mise en place d’un programme de restauration concernant les gradins internes, les berges extérieures, les structures architecturales et le dispositif d’ilot central. Pour ce faire, d’importants préalables techniques ont été mis en place, afin de permettre au chantier de se dérouler sans discontinuité durant les quatre prochaines années. Une première campagne de travaux a été réalisée. Elle concernait la construction d’une digue de protection permettant d’assécher une bande de terre sur le pourtour extérieur de l’île, prélalable nécessaire à l'installation du chantier archéologique. Ainsi la surface exondée se verra agrandie d’environ 30 mètres sur la périphérie du monument, permettant de dégager suffisamment d’espace pour réaliser les prospections archéologiques envisagées et faciliter l’installation des équipements destinés au déroulement du chantier.

Fouille archéologique de diagnostic

Une première campagne de fouille archéologique de diagnostic a été réalisée sur l’emprise du tracé de la future digue au cours du mois d’avril 2012. Les travaux de reconnaissance se portaient sur les faces nord, ouest et sud de l’île, la partie orientale étant sujette à des travaux plus complexes. Grâce à 11 sondages archéologiques régulièrement espacés (de surfaces rectangulaires de 15 x 2 m), la nature du sous-sol a été reconnue et analysée sur une profondeur moyenne d’environ 1,50 m, permettant ainsi de constituer une documentation archéologique relative aux différents niveaux de comblement du baray occidental aux abords de l’île du Mébon. Les niveaux de sol analysés n’ont pas permis de dépasser les niveaux de comblements du Baray, mais ont permis de s’assurer de l’élimination de tout risque archéologique inhérent à la construction de la digue de protection de l’île. Ils ont également permis d’observer la présence d’un élément structurant récurrent et linaire autour du monument, une structure au comblement clairement hydromorphe qui pourrait être le vestige d’un fossé ou d’un canal. On la retrouve sur les faces sud, ouest et nord, avec des comblements plus ou moins semblables et très riches en fragments de grès de petite taille.

Fouilles archéologiques de la partie orientale de l’île

L’imperméabilisation des fondations de la digue sur une profondeur de 1,50 m sur la bande de terre située à l’Est  du temple, imposait également la réalisation d’une fouille archéologique de reconnaissance qui, compte tenu du contexte particulier de cette partie du monument constituée d’une plateforme de terre émergée d’environ 7000 m2 de surface, a été organisée dans le cadre d’une seconde phase de travaux. La forte probabilité d’existence d’un contexte d’occupation ancienne (habitat ou lieux de culte) nécessitait l’organisation d’une fouille archéologique programmée, qui permette en deux temps d’évaluer la configuration archéologique du lieux.

Une première campagne de sondages a été réalisée à la fin du mois de mai 2012.  Il s’agissait de  réaliser une série de 10 sondages permettant de mesurer le potentiel archéologique du sol sur le tracé oriental de la digue. Atteignant  une profondeur  moyenne de 1,20 m, ils ont révélé un niveau d’occupation présentant des traces d’aménagements (blocs de grès ou de latérite) et du mobilier archéologique provenant de constructions en matériau léger (fragments de tuiles en grande quantité).

À la suite de ces premières reconnaissances, et en accord avec les experts ad hoc du Comité International pour la Sauvegarde du site d’Angkor, P. Royère a programmé une fouille extensive intéressant la totalité du tracé de la future digue de protection sur la partie orientale de l’île. À l’heure du bouclage de ce rapport, les travaux étaient encore en cours et ne permettaient pas de fournir un rapport archéologique complet. On notera cependant comme première information la confirmation de l’existence d’un niveau d’occupation pour lequel l’étude du matériel archéologique dégagé permettra de fournir des éléments de compréhension quant à son fonctionnement et sa périodisation. 

 

Pascal Royere
Pascal Royere

Maître de conférences

Directeur des études de l'EFEO

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