Les rouages d'une institution

CENT ANS D'HISTOIRE

L'École française d'Extrême-Orient est, dès sa création, en 1898, placée sous le contrôle scientifique de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Un membre est nommé par le Gouverneur général de l'Indochine, sur recommandation de l'Académie. L'avis favorable de l'Académie est également nécessaire pour la prorogation de son terme de séjour.

Les textes de fondation de l'École prévoient un directeur et des pensionnaires (de deux à quatre) ou attachés (tâches d'enseignement ou missions d'étude), dont les mandats d'un an sont indéfiniment renouvelables. Cependant, on se rend compte de la nécessité de créer, à côté du personnel temporaire, un personnel permanent (régi par décret du 3 avril 1920). Or, le décret du 26 février 1901 portant sur l'organisation de l'École n'avait réglé qu'en termes vagues la création d'un personnel permanent. Il mentionne que le directeur peut s'entourer de répétiteurs européens. On profite de cette clause pour créer des postes de secrétaire-bibliothécaire (1899, puis 1907), professeur de chinois (1901), représentant de l'École en France (1903), chef du service archéologique (1904), professeur de japonais (1905), Conservateur d'Angkor (1908), professeur de philologie indochinoise (professeur suppléant en 1908 et titulaire en 1912), professeur d'histoire et d'archéologie de l'Annam (1915).

Pendant le système du quadripartisme (1948-1954), qui résulte de la reconnaissance par la France de l'indépendance du Vietnam, du Laos et du Cambodge, l'EFEO devient un organisme franco-vietnamo-lao-cambodgien et continue à fonctionner sur les mêmes bases administratives.

La dissolution du quadripartisme en 1954 rend à la France l'entière responsabilité de l'établissement, mais laisse celui-ci sans statut administratif. Il faut attendre un décret de 1963 pour que soit fixé le nouveau régime administratif et financier, et un autre de 1976 (20 février) pour que soit promulgué le statut du personnel scientifique. Les membres de l'EFEO sont français ou ressortissants étrangers. Ils sont tous contractuels, soit membres temporaires, recrutés pour deux ans (contrat renouvelable une fois), soit membres permanents chargés ou maîtres de recherche, recrutés pour une durée indéterminée. Dans la limite des emplois vacants, les membres temporaires qui ont accompli au moins deux ans de service en cette qualité peuvent être nommés membres permanents chargés de recherche par le directeur, sur proposition du conseil d'administration. Les membres permanents chargés de recherche qui justifient de trois ans de service en cette qualité peuvent être nommés maîtres de recherche par décision du directeur de l'EFEO, après avis du conseil d'administration.

Cependant, les limites de ce décret apparaissent avec la promulgation de la loi Le Pors (11 janvier 1984), qui fixe les conditions de création d'emplois d'agents contractuels dans les établissements où il n'existe pas de corps de fonctionnaires susceptibles d'assurer ces fonctions. Les agents sont recrutés sur des contrats d'une durée maximale de trois ans renouvelable une fois. Ce décret est modifié par la loi du 30 juillet 1987, qui précise que ces contrats peuvent être renouvelés par reconduction expresse et ajoute qu'aucun emploi permanent ne peut être tenu par un non-fonctionnaire. Le décret de 1976 devient par là même caduc et, bien qu'il ne soit pas abrogé, il ne fait plus référence pour la nomination des membres après 1988. Les membres recrutés à partir de 1991 sont ainsi engagés pour une durée déterminée de trois ans renouvelables.

Les membres étaient au nombre de trois en 1901, cinq en 1911, huit en 1930, dix en 1941, seize en 1954, vingt-six en 1972, vingt-neuf en 1983 et trente-deux en 1999. Ils sont aujourd'hui quarante deux.

LA DIRECTION

Lorsqu'est créée la Mission archéologique permanente en Indochine, en 1898, le directeur est nommé pour six ans par le Gouverneur général de l'Indochine, sur présentation de l'Académie des inscriptions et belles-lettres (en 1901 par décret, sur proposition du Gouverneur général et présentation de l'Académie, puis en 1939 par décret, sur présentation de l'Académie). Son mandat est renouvelable. Il est chargé d'exercer la direction de l'établissement, le contrôle des études et des travaux des pensionnaires, ainsi que de présider et de prendre part lui-même à l'enseignement de sanskrit, de pâli et d'archéologie. Il doit créer des organes tels que bibliothèque et musée, fonder et diriger une publication où trouveront place, avec les travaux émanant directement de la Mission archéologique, ceux qu'il pourra recueillir ou susciter au dehors. Chaque année, le directeur adresse au Gouverneur général de l'Indochine un rapport détaillé sur les travaux de la Mission. Ce rapport est communiqué à l'Académie par le ministre de l'Instruction publique.

À partir de 1900, en raison de l'arrêté relatif à la conservation en Indochine des monuments et objets ayant un intérêt historique ou artistique, le directeur de l'établissement est chargé de la surveillance des monuments historiques et autres antiquités de l'Indochine. Il propose au Gouverneur général des mesures propres à en assurer la conservation. Ainsi, il est autorisé à faire transporter au musée tous les objets classés dont la conservation in situ est délicate. Il est en outre chargé du classement des objets mobiliers dont la conservation présente un intérêt public. Pour la surveillance et la préservation des monuments historiques, le directeur est assisté par la commission des Antiquités du Tonkin (1901) et par celle du Cambodge (1905 ; devenue commission des Antiquités historiques et archéologiques en 1919), dont il est respectivement président effectif et président honoraire et dont les membres peuvent exercer par délégation spéciale les pouvoirs attribués au directeur.

Le directeur assure également la présidence d'un certain nombre de conseils et commissions, parmi lesquelles le Conseil de perfectionnement de l'enseignement indigène (1906). Il est membre du comité central du Tourisme (1923), du Conseil consultatif de l'Instruction publique (1924), du Conseil de recherche scientifique de l'Indochine (1930), etc.

Aujourd'hui, le directeur est nommé pour cinq ans et son mandat est renouvelable une fois, conformément aux dispositions relatives au détachement des professeurs d'université et des personnels assimilés. Il assume ses fonctions entouré d'un conseil scientifique, représentatif des forces vives des études extrême-orientales, et d'un conseil d'administration.

Le poste de directeur-adjoint est créé en 1902. Il remplace le directeur en cas d'absence. Le directeur de l'École et le directeur-adjoint, pendant les séjours qu'ils font alternativement en France, sont chargés d'assurer les relations de l'École avec l'Académie des inscriptions et belles-lettres et les sociétés savantes, de surveiller les publications entreprises et de faire connaître, par des cours ou des conférences, le résultat des recherches de l'École. Ils prennent part au travail de l'École par l'envoi régulier d'informations sur le mouvement scientifique et par des missions d'études en France et à l'étranger. En 1903, le poste de directeur-adjoint de l'École est remplacé par celui de représentant de l'EFEO à Paris, dans la mesure où, depuis 1902, un bureau de l'EFEO est établi dans la capitale. Celui-ci est destiné à abriter les ouvrages et collections dont la conservation est jugée difficile en Indochine et à les mettre à la disposition des chercheurs. À compter de 1907, alors qu'une chaire d'histoire et de philologie est créée au Collège de France, le titulaire de cette chaire fait office de représentant de l'EFEO en France. Ce titre disparaît par la suite.

Le poste de directeur des études est créé dans les statuts de 1988. Il est nommé pour une durée de trois ans, renouvelable une fois. À ce jour, il est plus particulièrement chargé des publications de l'École et de la formation des jeunes chercheurs.

LES MEMBRES SCIENTIFIQUES

Les membres temporaires ou permanents doivent, tout en poursuivant leurs travaux personnels, coopérer à l'objet spécial de l'EFEO. Ils sont nommés, à partir de 1898, par le Gouverneur général de l'Indochine, sur recommandation de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, puis, à partir de 1939, par arrêté du ministre des Colonies, sur recommandation de l'Académie des inscriptions et belles-lettres. Depuis 1976, les nominations sont prononcées par le ministre chargé de l'enseignement supérieur, sur proposition du conseil d'administration, après avis du conseil scientifique.

Les membres temporaires

Les pensionnaires (devenus membres temporaires en 1920) sont nommés à la Mission dès 1899. Ils doivent être français et leur nombre est limité à trois (ces conditions disparaissent en 1901). Ils sont nommés pour un an. Ce terme peut être prorogé d'année en année. Ce sont, soit des jeunes chercheurs se destinant à l'étude de l'Inde ou de l'Extrême-Orient, soit des chercheurs confirmés dont les recherches nécessitent un séjour en Orient. Tout en poursuivant leurs travaux personnels, ils doivent coopérer aux objectifs généraux de l'institution. Ils sont remboursés de leurs frais par la Mission et peuvent bénéficier de bourses de voyage.

Il est créé, en 1905, deux bourses d'études pour de jeunes sinologues. Pendant leur séjour à l'EFEO, en Indochine, ces boursiers sont soumis aux mêmes obligations que les pensionnaires. Ils doivent en outre donner un enseignement en français aux étudiants de l'école Pavie à Hanoi. Ils peuvent être appelés, au terme de leurs études, à professer éventuellement dans les universités chinoises, après entente avec le Gouverneur général de l'Indochine et le ministre de France à Pékin. Il s'agit d'une volonté politique de poursuivre en Chine " l'expansion intellectuelle française ". Dans la mesure où les postes de pensionnaires sont insuffisants pour remplir cette mission, on pense créer des postes de stagiaires, avec un renouvellement périodique. Cependant, la Chine n'est pas disposée à recevoir des fonctionnaires d'un pays étranger. Les circonstances n'étant pas favorables, on renonce en 1907 à l'envoi de stagiaires.

Les bourses d'études resurgissent en 1999 comme résultat d'une politique de formation. Actuellement, une trentaine de bourses sont délivrées tous les ans. Elles sont attribuées, pour une durée d'un à six mois, aux doctorants et aux post-doctorants afin de leur faciliter l'accès au terrain.

Le poste de " chef des travaux pratiques " est créé en 1901, celui d'architecte du service archéologique ", en 1925. Ces postes ont ensuite disparus.

Les membres permanents

Les professeurs, devenus membres permanents en 1920, sont nommés sans limite de temps et se recrutent parmi les membres temporaires qui ont fait preuve d'une haute valeur scientifique.

Le poste de secrétaire-bibliothécaire est créé en 1899, supprimé par démission de son titulaire (remplacé par un commis des services civils qui remplit les fonctions de secrétaire-comptable), puis rétabli en 1907. Le bénéficiaire est nommé pour six ans. Il est chargé, sous l'autorité du directeur, de régler tous les détails du service intérieur : il tient l'inventaire du matériel de la bibliothèque et des collections ; il assure le classement des livres de la bibliothèque ; en cas d'absence ou d'indisponibilité du directeur, et lorsqu'un intérimaire n'a pas été désigné, il est chargé d'assurer l'intérim de la direction (arrêté de 1933).

Le chef du service archéologique (poste créé en 1904) est chargé à la fois de la direction du service archéologique, de l'inspection des monuments historiques et des dépôts archéologiques, de l'organisation des musées dépendant de l'École et du classement de leurs collections ; il propose au directeur le programme des travaux d'ordre archéologique et, à partir de 1907, le plan de campagne annuel pour la conservation du groupe d'Angkor. Le chef du service archéologique a sous ses ordres le conservateur du groupe d'Angkor et les inspecteurs des monuments historiques.

Le conservateur du site d'Angkor (poste créé en 1908, après la rétrocession de la province d'Angkor) réside à Siem Reap. Il est chargé de la garde, de la conservation et de l'entretien des monuments du groupe d'Angkor.

En 1911, les inspecteurs du service archéologique sont chargés, sous l'autorité du chef du service archéologique, de l'étude et de la conservation des monuments historiques de la section pour laquelle ils ont été désignés (Annam-Tonkin, Annam-Campa, Cochinchine-Cambodge, Laos, parc d'Angkor). Leurs fonctions sont étendues en 1930 : ils sont alors chargés de l'exploration archéologique, de l'inspection des monuments historiques, des travaux de consolidation et d'entretien, et de l'acheminement vers les musées et les dépôts archéologiques des sculptures, inscriptions et objets dont on peut craindre la disparition ou la détérioration. Outre leur rapport mensuel au directeur et au chef du service archéologique, les inspecteurs doivent soumettre chaque année au chef du service archéologique un rapport sur les travaux de l'année écoulée, leurs propositions de modifications à l'inventaire des monuments historiques et le programme des travaux ou recherches à arrêter pour l'année suivante.

La conservation du parc d'Angkor est assurée par un inspecteur qui porte le titre de conservateur d'Angkor et dont les fonctions sont définies en 1920.

Le poste de chef du service ethnologique est créé en 1937, avec l'ouverture au sein de l'École d'un service d'ethnologie et de paléo-ethnologie. Il agit comme conseiller technique du directeur dans toutes les questions relatives aux recherches ethnologiques et au fonctionnement des musées ethnographiques d'Indochine. Sa tâche consiste notamment : à établir chaque année le programme des enquêtes et des travaux de l'année suivante en tenant compte des disponibilités budgétaires ; à rassembler et à classer les renseignements d'ordre ethnologique existant déjà dans les archives de l'École ; à rassembler et à conserver les objets ethnographiques destinés à être entreposés dans les dépôts locaux ou exposés au musée d'ethnographie de Dalat.

Enfin, une nouvelle classe de membres permanents portant le titre de directeurs d'études est créée en 1938 pour une courte période. Ces différents postes devaient rester éphémères. Aujourd'hui, le statut des membres scientifiques devient celui des directeurs d'études et des maîtres de conférences de l'École pratique des hautes études, de l'École des chartes et de l'École française d'Extrême-Orient.

Le personnel asiatique avant 1945

En 1922, on compte des assistants, secrétaires ou lettrés indochinois, un secrétaire archiviste, des lettrés ou traducteurs asiatiques non indochinois, des agents techniques indochinois adjoints aux membres du service archéologique, des dessinateurs, photographes ou estampeurs indochinois, des ouvriers d'art (sculpteurs, mouleurs, modeleurs, aides-photographes, relieurs), des gens de service (gardiens, jardiniers). Un arrêté de 1929 fixe le statut du personnel asiatique de l'EFEO en cadre permanent et cadre auxiliaire d'agents contractuels. Mais il faut attendre 1939 pour qu'un décret (29 juillet) autorise l'admission des " sujets et protégés français d'origine indochinoise " dans le cadre du personnel scientifique, sans que leur salaire soit toutefois égal à celui des fonctionnaires français d'origine.

LES ATTACHES ET COLLABORATEURS

Dès 1899, Louis Finot souligne, auprès de Paul Doumer, le concours que les fonctionnaires et officiers pourraient apporter à l'oeuvre de la Mission. Un grand nombre d'officiers en garnison au Tonkin, en Annam, en Cochinchine ou au Cambodge témoignaient d'un intérêt pour la compréhension des civilisations qu'ils découvraient. Les informations et les documents qu'ils recueillaient étaient susceptibles de compléter les recherches scientifiques.

À partir de 1902, les personnes qui coopèrent d'une manière effective, au moyen de recherches, informations, dons ou autres, aux travaux de l'EFEO, peuvent recevoir le titre de correspondants de l'École. Ce titre est conféré par le Gouverneur général, sur la proposition du directeur de l'École. Il peut être retiré dans la même forme. Les correspondants sont nommés pour trois ans ; cette nomination est renouvelable. Ils ont droit aux indemnités de route et de séjour allouées aux pensionnaires de l'École.

Des correspondants français peuvent être choisis pour exercer, par délégation, la surveillance des monuments historiques : ils peuvent requérir des autorités locales la constatation des faits pouvant nuire à l'intégrité de ces monuments, provoquer les mesures propres à assurer la conservation des monuments ou objets anciens nouvellement découverts. Ils prennent alors le titre de correspondants-délégués (qui sera supprimé en 1920).

Le contrat des membres correspondants nommés pour trois ans par arrêté du 9 septembre 1940 ne fut pas renouvelé en 1943, car l'isolement où se trouvait alors l'Indochine ne permettait pas à la direction de l'École de connaître la situation exacte des correspondants résidant à l'extérieur, si bien que le Gouverneur général de l'Indochine jugea préférable de différer ce renouvellement.

L'arrêté de 1920 stipule que des fonctionnaires ou militaires de la colonie peuvent être détachés à l'EFEO, sur la demande du directeur et par arrêté du Gouverneur général, pour y remplir des missions spéciales d'études : ce sont des attachés à titre temporaire. Leurs frais de mission sont toujours à la charge de l'École.

L'EFEO compte également de nombreux collaborateurs bénévoles qui ont fait don de livres, d'objets d'art ou qui ont apporté leur expertise à titre gracieux.

Par arrêté du 12 avril 1930, des personnalités, françaises ou étrangères, jouissant d'une situation éminente dans le monde scientifique, ou ayant rendu à l'EFEO des services exceptionnels, peuvent recevoir le titre de membre d'honneur. Ce titre est conféré à vie, par arrêté du Gouverneur général, sur proposition du directeur de l'École. Les membres d'honneur présents dans le Protectorat peuvent être chargés par le directeur de missions leur donnant droit à des frais de transport et aux indemnités de route alloués aux membres temporaires de l'École (1933). Ces membres ont, pour la plupart, été nommés en 1930 ou en 1948. Ce titre est une dernière fois octroyé en 1954. L'EFEO a compté ainsi jusqu'à 68 membres d'honneur. Aujourd'hui, le roi Norodom Sihanouk est membre d'honneur de l'EFEO, et ce depuis 1948.

On voit ainsi que l'EFEO doit beaucoup à ses chercheurs associés, collaborateurs, correspondants, etc., qui ont su contribuer, à côté des membres à part entière, au développement des connaissances sur l'Asie.

Isabelle PIGNON-POUJOL et Nadine ANDRE-PALLOIS

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