Résumés / Abstracts

- Marcelle SAINDON
Le Moksavimsaka du Harivamça
Une éloquente illustration de l'Acte de vérité dans un éloge au grand Vishnu libérateur

Le Moksavimsaka est un bref passage qui apparaît à la fin du long récit n° 42B de l'Appendice 1 de l'édition critique du Harivamça (HV). Ces " vingt versets pour obtenir la libération " chantent les louanges de Vishnu le Sanglier par qui la terre fut remontée de l'océan dans lequel elle était enfoncée. Chacun des vingt versets se termine par l'expression tena satyena, la formule typique de l'Acte de vérité (satyakriyâ). Burlingame et Brown ont repéré, dans les littératures brahmanique, bouddhique et jaïne, plusieurs exemples de cette " déclaration de vérité ". Le Moksavimsaka, qui semble être resté méconnu, pourrait bien être, par la démonstration de son effet contraignant même sur le grand Vishnu, l'illustration la plus élaborée du pouvoir de la " parole vraie ". Cet éloge, qu'on dit être l'œuvre du devarshi Nârada, reprend les enseignements des récits précédents de l'Appendice 1 du HV concernant les manifestations (prâdurbhâva) de Vishnu. Il y ajoute de nombreuses références à des épisodes du Mahâbhârata ainsi que des allusions à des motifs développés dans les purâna.

The Moksavimsaka of the Harivamça
An Eloquent Illustration of the Act of Truth in a Tribute to the Great Liberator Vishnu

The Moksavimsaka is a short passage found at the end of narrative No 42B in Appendix I of the Harivamça (HV) (critical edition). "Twenty stanzas that lead to liberation" (moksavimsaka) praise Vishnu as the boar who brought the earth back from the waters into which it had sunk. Each of the twenty stanzas ends with the expression tena satyena, the typical formula of the Act of Truth (satyakriyä). Burlingame and Brown both discovered several examples of the "declaration of truth" in Brahmanical, Buddhist and Jaina writings. Researchers seem to have overlooked the Moksavimsaka, which, given its magic and its power to constrain even Vishnu, may prove to be the most eloquent example of the Act of Truth. The Moksavimsaka, which repeats the teaching of the preceeding narratives about the manifestations (prädurbhäva) of Vishnu in Appendix I of the HV, is said to have been composed by the devarshi Nârada. This text frequently refers to passages in the Mahâbhârata, alluding at times to the Purânas.

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- Jean DELOCHE
Études sur les fortifications de l'Inde. IV
La fortification musulmane dans le Dekkan méridional (XVe-XVIIIe siècles)

Avec l'introduction des armes à feu en Inde, les Musulmans des royaumes du Dekkan ont fait faire des progrès considérables à l'architecture militaire. Dans les zones de faible relief, ils doublèrent les enceintes d'une sorte de fausse-braie ou clôture basse. Dans tous les sites, ils augmentèrent le diamètre, l'épaisseur et la hauteur des tours pour qu'elles aient un meilleur commandement sur les courtines ; derrière les murs ou sur les tours ils élevèrent des cavaliers, terrassements destinés à recevoir de l'artillerie ; ils flanquèrent les portes de grosses tours et les renforcèrent à l'extérieur par des barbacanes ; pour mieux battre le pied des murs, ils construisirent des bretèches, logettes en saillie sur les courtines et les tours ; enfin, ils élargirent les fossés pour protéger les approches d'une manière plus efficace. Phénomène remarquable : alors qu'à la même époque, les constructeurs européens adoptaient une architecture rasante, les architectes militaires du Dekkan, au contraire, augmentaient la défense par le sommet.

Studies on fortifications in India. IV
The Moslem system of fortification in the southern Deccan (15th-18th century)

With the introduction of gunpower and firearms into warfare in India, profound changes took place in military architecture in the Moslem kingdoms of the Deccan. In flat regions, a fausse-braye or low outerwall was added to the main enclosure. In all the sites, the diameter, the thickness and the height of the towers were increased in order to have a better command of the curtainwalls. Behind the walls or on the towers, cavaliers or top platforms for guns were raised. Gates were flanked by large towers and reinforced by barbicans or defensive outworks. To batter more efficiently the base of the walls, bartizans or small overhanging turrets were built on the curtainwalls and towers. Finally, moats or deep ditches surrounding the ramparts were widened as protection against assault. To conclude, it is interesting to note that, while at the same period in the West a low-built architecture was adopted, in the Deccan, on the contrary, the height of the military defences was being increased.

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- Marie LECOMTE-TILOUINE
Les mondes à part
Représentation des esprits à travers un roman népalais de la fin du XIXe siècle

Vîr Caritra, premier roman écrit en népali, fut composé en 1899 par G. Joshi. Il relate le voyage d'un jeune homme dans le monde des esprits, fournissant une précieuse description de ces derniers et exposant clairement la conception d'un monde phénoménal comme parsemé de failles ouvrant sur des mondes surnaturels où les hommes se trouvent happés. Ces anti-mondes sont habités par différentes catégories d'êtres : démons hindous, chamanes tribaux et gentlemen anglais. Vîr caritra expose la constitution de l'identité humaine à partir des figures de l'Autre incarnées dans les esprits. L'adoption de leur point de vue opère un déplacement de perspective, où l'homme, réduit à sa matérialité vidée de principe vital et spirituel, n'est plus que de la viande et devient la nourriture de ses monstrueux alter ego. Elle suscite chez l'homme l'image du chasseur chassé et l'amène à s'identifier à eux, soulignant son propre instinct meurtrier et carnassier. Tout étranger, les tribaux comme les Occidentaux, est renvoyé dans la catégorie des esprits qui permet aux Népalais de penser l'existence de l'autre, tout en lui conservant une place à part dans leur univers mental. De nature chamanique, la geste d'Agnidatta pose le voyage comme pérégrination dans l'altérité des anti-mondes, et l'alliance avec les êtres de la surnature comme le garant de l'ordre de l'univers.

Worlds Apart
Representation of the Spirits in a Nepalese Novel of the end of the 19th century

Vîr Caritra, the first novel written in Nepali, was composed in 1899 by G. Joshi. It describes the journey of a young man in the world of the spirits, providing an invaluable description of the latter and exposing the structure of the phenomenal world, which is strewn with faults opening on supernatural worlds into which men find themselves seized. These anti-worlds are inhabited by various categories of beings: Hindu demons, tribal shamans and English gentlemen. Vîr caritra treats of the nature of human identity by using the figures of the Other that the spirits represent. The adoption of their point of view offers a changed perspective in which man, emptied of vital and spiritual principle, is nothing more than meat and becomes the food of his monstrous alter ego. It shows man as the hunted hunter and leads him to identify himself with them, underlining his own carnivorous instincts. All foreigners, tribal groups and Westerners alike, fall into the category of spirits, thus allowing the Nepalese to conceive the existence of the Other while placing it apart in their mental universe. Shamanic in nature, the epic of Agnidatta presents the journey as a peregrination in the otherness of the anti-worlds, and the alliance with supernatural beings as guaranteeing the order of the universe.

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- NGUYÊN THE ANH
Le bouddhisme dans la pensée politique du Viêt-Nam traditionnel

Le Viêt-Nam sous les deux dynasties Lý et Trân était essentiellement un pays bouddhiste. La foi religieuse des souverains constituait leur source de légitimité et le bouddhisme, constituant la jauge par laquelle était mesuré le comportement civilisé des monarques comme des sujets, fournissait à l'autorité royale les moyens de s'introduire dans les structures politiques locales pour les incorporer. Les souverains Tr?n en particulier s'efforcèrent d'imposer l'unité idéologique en plaçant le pays sous l'égide de leur propre création religieuse, l'école Trúc Lâm. Toutefois, devant le développement de troubles sociaux au XIVe siècle, des lettrés confucéens se mirent à exprimer leurs préoccupations pour le maintien de l'ordre ; ils finirent par apparaître au XVe siècle comme les porte-parole de l'autorité royale, définissant la morale publique et se faisant les gardiens de la cour. Par conséquent, le bouddhisme institutionnel perdit la protection de la cour dont il avait bénéficié auparavant, et son influence politique ne cessa de décliner, pour être à son niveau le plus bas au XIXe siècle, avec l'adoption sur une grande échelle du modèle bureaucratique chinois par la cour confucéenne des Nguyên. Des restrictions et des interdictions furent ainsi imposées aux monastères bouddhiques, afin d'empêcher les déviations religieuses (sous la forme de mouvements millénaristes par exemple) de devenir trop importantes.

Buddhism in traditional Vietnamese political thought

Vietnam under the Lý and Trân was essentially a Buddhist country. The piety of the dynasties was their source of legitimacy, and, while Buddhism was affirmed as the measure of civilized behaviour for both sovereigns and subjects, it provided means for royal authority to penetrate and incorporate the local political structure. The Tr?n rulers in particular strove to impose ideological unity on the country under the umbrella of the Trúc Lâm school, their own creation. In the face of the development of social unrest in the fourteenth century, however, Confucian literati started to voice their concern for the maintenance of order and eventually emerged in the fifteenth century as spokesmen for royal authority, definers of public morality and guardians of the court. As a result, institutional Buddhism lost the court patronage it had previously enjoyed, and its political influence declined steadily to its lowest ebb, in the nineteenth century, with the adoption of the Chinese bureaucratic model on a large scale by the Confucian Nguyên court. Restrictions and prohibitions were thus imposed on Buddhist temples, in order to prevent religious deviations (under the form of millenarian movements for example) from becoming too great.

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- Saveros POU
Nouveau regard sur Çiva-Îsvara au Cambodge

Durant mes dernières vingt années de recherches linguistiques, j'étais frappée par le rapport étroit entre le système spirituel - on parle plus simplement de " religion " - du peuple khmer et les moyens d'expression (langue et arts) dont dispose toute la communauté. Un long maniement de textes et leur analyse de plus en plus approfondie, jusqu'à atteindre l'élément lexical minimal ou " mot ", avaient pour principal effet de me dessiner de plus en plus clairement la société khmère ainsi que sa pensée, laquelle n'a cessé d'évoluer depuis le début de l'histoire. Parallèlement, je scrutais plus minutieusement les grandes figures divines brahmaniques en terre khmère, en particulier le dieu Çiva-Îsvara, notre Brah Îsûr, qui est présent partout dans la vie de la communauté theravâdin. J'esquissais alors son portrait, toujours au moyen de documents linguistiques, comme je faisais ceux des autres dieux, ainsi que notre Brah Râma. Des découvertes épigraphiques récentes me confortèrent dans cette voie socio-linguistique, et de surcroît dévoilèrent des faits inattendus et percutants relatifs à Îsvara et aux siens, à son puissant linga, et donc leur impact sur la mentalité des Khmers. Ces faits nouveaux s'ajoutent aux nombreuses informations recueillies antérieurement en un heureux agencement, si révélateur que j'ai fait un nouveau pas en présentant un portrait agrandi du grand dieu, qui est, faut-il le rappeler, à l'écart du bouddhisme actuel, mais qui est toujours vénéré comme garant du succès et protecteur du pays et de toute la communauté.

A fresh look at Çiva-Îsvara in Cambodia

While carrying out linguistic research through these last twenty-odd years, I have been struck by the close relationship between the spiritual system, commonly termed the "religion", of the Khmer people, and the means of expression (language, arts) of the entire community. The more I got involved in linguistic analysis and collected data, the more I became aware of the "interaction" of the two currents of research with regard to every period of history. In the meantime, I became strongly interested in the lingering success-story of the main Brahmanical gods in Theravädin Cambodia, in particular that of Çiva-Îsvara, our Brah Îsûr, present in every nook and cranny, so to speak, of Cambodian territory and culture. This led me to attempt to sketch his portrait - as I have also done with other gods, including Râma of the Khmer Râmakerti. Recently discovered inscriptions have brought to light lots of new information on Îsvara and his kin, as well as his powerful linga, which speaks of the impact they have made on Khmer people's mentality. I have therefore been able to take a step forward in presenting a new, more detailed portrait of the god, who is alien to Cambodia's Buddhist system, and yet continues to be worshipped as the country's and community's protector and a bestower of success.

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- Sylvain VOGEL
Détermination nominale, quantification et classification en khmer contemporain

Cet article traite de ce que l'on appelle traditionnellement la " classification " dans le cadre de la langue khmère. Il montre que la classification (quantification de tri), qui n'est qu'un cas particulier de la quantification, est à traiter comme un type de détermination du nom. Les " classificateurs " et quantifieurs donnent le point de vue à partir duquel la classe d'unités ou la masse de matière donnée par le nom est appréhendée et localisée dans le réel (détermination d'occurrence) par le locuteur. Au niveau syntaxique, le classificateur apparaît comme un élément d'un " syntagme de classification ", qui a des composantes obligatoires et présente une certaine indépendance par rapport au nom qu'il classifie. Cet article montre aussi que la " classification " n'est pas une catégorie grammaticale en soi ; l'interprétation d'une séquence NUM *N comme un syntagme de classification est la résultante de plusieurs paramètres à partir d'un phénomène plus général comprenant les classificateurs proprement dits (quantifieurs de tri), les quantifieurs et les termes de mesure.

Nominal determination, quantification and classification in contemporary Khmer

This paper is about "classification" in the Khmer language. It shows that classification is nothing more than a particular case of quantification. Classifiers as well as quantifiers assess the point of view from which the class of items or the substance indicated by the noun is considered and localised in time and space by the speaker. On a syntactic level a classifier is a part of a classifier phrase, which has a number of compulsory components. The classifier phrase determines the noun but exhibits a certain level of independence. This paper also shows that "classification" is not a grammatical category as such. Unlike gender, the relation between a noun and a classifier is not a permanent feature of the noun.

The interpretation of NUM *N sequences as classifier phrases depends on several parameters and is to be apprehended on a more abstract level. NUM *N sequences comprise classifers, quantifiers and terms of measurement.

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- Éric TROMBERT
Les cycles de culture et l'organisation des terroirs à Tourfan aux VIe-VIIIe siècles

L'un des problèmes majeurs que soulèvent les documents retrouvés à Tourfan concerne la nature exacte des terres appelées changtian et butian - deux termes absents aussi bien des ouvrages historiques que des manuscrits de Dunhuang. En se fondant principalement sur l'étude des contrats de fermage, on peut démontrer que la différence entre ces deux catégories de terres ne tenait pas - ou en tout cas ne tenait plus, à partir du VIe siècle - à leur statut juridique, mais à leur mode d'exploitation. L'analyse des baux (conditions et dates de paiement des loyers) révèle l'existence de trois modes de mise en culture. Les terres changtian portaient deux récoltes chaque année (orge au printemps, millet ou panic à l'automne, jamais de blé), tandis que les terres butian n'en portaient qu'une, généralement du blé, moins souvent du millet ou du panic, jamais d'orge. On peut également reconstituer le calendrier précis pour chacune de ces cultures et en vérifier la validité à l'aide d'autres documents (comptes de monastères et documents fiscaux). L'étude de ces systèmes de mise en culture soulève deux problèmes délicats, celui de la jachère et celui de la localisation des terres de ces différentes catégories. Enfin, le choix des céréales fait par les paysans de Tourfan éclaire deux questions corrélatives. D'abord, la hiérarchie entre les quatre grains - chacun avait son propre rang sur l'échelle des valeurs (agricole et alimentaire) en usage localement. Ensuite, les modes de consommation alimentaire, qui semblent avoir été assez différents de ceux de Chine orientale.

Crop systems and types of field in the Turfan area (6th-8th centuries)

One of the main problems raised by the documents unearthed in the Turfan oasis concerns the true nature of the two categories of land, called changtian and butian - neither of these words appears in the historical literature or in the Dunhuang manuscripts. Mostly through the use of land-leasing contracts, this paper attempts to show that the difference between these two categories of land was not of a legal nature - at least from the 6th century on - but rather resulted from their mode of agricultural operation. The analysis of contractual provisions (rent payment terms and due dates) reveals the existence of three modes of land exploitation. Changtian lands had two crops every year (the spring crop was barley, never wheat, and the autumn crop was millet, setaria or panicum), and butian lands only one (wheat was the main crop, millet was less common, and barley was completely absent). It is also possible to recreate the precise calendar for each crop, confirmed by other documents of various types (monastery accounts and tax documents). The study of these farming systems involves two other difficult questions: whether land was laid fallow or not, and the location of lands of each category. Last, the selection of cereals cultivated in Turfan sheds light on two related issues: first, the hierarchy between these four grains, because each grain has a different rank on the scale of values (agricultural and dietary) used by Turfan people; and second, the types of diets, which seem to be rather different from those of Eastern China.

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- Lucille CHIA
Texte et tu en contexte : lire une page illustrée d'un xylographe chinois

Cet article examine la manière dont certains éléments caractéristiques des xylographes, les tu - images et cartes - ne se bornent pas à illustrer le texte, mais s'y rattachent de multiples façons. Nous envisagerons tout d'abord comment la technique xylographique affecte l'apparence et la disposition du texte et des tu, ainsi que la façon dont les éditeurs, commerciaux en particulier, disposaient et modifiaient les éléments de la page imprimée en fonction de différents objectifs. Nous nous concentrerons ensuite sur deux types de tu : les images (en particulier celles au format shangtu xiawen - image en haut, texte en bas) et les cartes. En nous fondant principalement sur des imprimés de la fin des Ming, alors que la xylographie chinoise avait atteint son apogée sur le plan technique et esthétique, nous explorerons quelques-unes des possibilités de lecture combinée du texte et des tu dans ces livres.

Text and Tu in Context
Reading the Illustrated Page in Chinese Blockprinted Books

This paper examines how certain features in Chinese woodblock imprints, known as tu - especially pictures and maps - do not merely illustrate the text, but relate to it in many different ways. We first consider how the nature of woodblock printing (xylography) affected the appearance and arrangement of the text and tu and also how commercial publishers in particular designed and modified the elements of their printed page to suit their various purposes. Next we focus on the uses of two kinds of tu: pictorial illustrations (especially those in the shangtu xiawen format) and maps. Using mostly examples from imprints of the late Ming, by which time Chinese blockprinting had achieved its technical and aesthetic zenith, we explore some ways of reading the combination of text and tu in these books.

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- Robert E. HEGEL
Images dans les textes législatifs et romanesques de la Chine des Qing

Les rapports d'affaires criminelles figurant dans les archives de la dynastie Qing contiennent fréquemment des images ou des descriptions écrites d'actes de violence et de leurs effets sur le corps humain. En comparant deux sortes d'images liées à ces textes narratifs qui ne sont pas du domaine de la fiction, les diagrammes tu et les descriptions hui, on constate que les diagrammes ont uniquement pour fonction de renforcer et d'illustrer les descriptions des victimes de meurtre figurant dans les textes. Les images verbales ou jouent le même rôle que les récits de fiction en prenant appui sur un cadre, une intrigue, une caractérisation des personnages et des dialogues.
Cependant, comparées avec les rapports d'affaires criminelles, les descriptions d'action dans les romans de la même époque laissent une place à l'imagination du lecteur, un luxe que ne pouvaient se permettre les magistrats et les greffiers des Qing. Tout comme les commentateurs d'œuvres romanesques, les auteurs de rapports criminels indiquaient régulièrement à leurs lecteurs la manière dont devaient être interprétés les textes et les images auxquels ils recouraient.

Images in Legal and Fictional Texts from Qing China

Crime case reports from the Qing archives frequently contain images or written descriptions of acts of violence and their effects on the human body. By contrasting two kinds of images in these non-fictional narrative texts, tu diagrams and hui, descriptions, one can see that the diagrams serve merely to reinforce and exemplify the textual descriptions of murder victims. Hui, or verbal pictures, seemingly parallel fictional narratives in their reliance on setting, plot, characterization, and dialogue. However, by comparison with crime case reports, descriptions of action in contemporary novels leave details to the reader's imagination, a narrative luxury not available to the magistrates and the legal secretaries of the Qing. Like fiction commentators, the authors of crime reports regularly informed their readers how to interpret the texts and the images they invoked.

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- Michela BUSSOTTI
Jeux de tables
Le
Yanji tu, livre sans texte d'" image en action " ?

Le Yanji tu, attribué à Huang Bo'en (1079-1118), comporte une préface datée de 1195 et des postfaces écrites en 1347 et en 1504, qui nous relatent sa transmission pendant la dynastie des Yuan et le début des Ming. En 1511, il a été publié dans le recueil Xinshang bian, dont les réimpressions successives, à la fin des Ming, ont inclus des compléments de plus en plus nombreux. Cet article traite du corpus principal du Xinshang bian, portant sur des objets appréciés par les lettrés, mais aussi sur certains jeux pratiqués à l'époque. Les images imprimées de ce recueil sont des images " utiles " pour nous documenter sur les thèmes traités, mais elles ont, au moins pour certaines, la spécificité de nous informer sur des activités, les jeux, n'ayant pas d'" utilité " concrète.
Le Yanji tu est formé d'une série de schémas, à propos de la disposition de tables rectangulaires, et le rôle des mots y est très marginalisé. L'ouvrage est considéré comme la première monographie sur les tables pour des réunions conviviales ; il donne des indications très précises sur les dimensions des meubles à arranger et à composer l'un avec l'autre. Les dispositions de sept tables sont expliquées par des schémas : on ne peut ignorer l'aspect abstrait et géométrique de ces tu. Du fait de ces caractéristiques, le Yanji tu ainsi que le Dieji pu, un ouvrage plus tardif sur un sujet similaire, ont été mis en relation avec le développement de casse-tête et jeux mathématiques des époques plus récentes, comme les tangrams.

Table games
The
Yanji tu, a book without text of "images in action"?

The Yanji tu, ascribed to Huang Bo'en (1079-1118), includes an introduction dated to 1195 and two colophons of 1347 and 1504 explaining its merits and its transmission during the Yuan dynasty and the early Ming dynasty. It was published in 1511 in a collection of works, the Xinshang bian, which was reprinted a number of times in the late Ming. These new editions included an increasing number of sections in the collection, but this article deals only with the principal set. Xinshang bian treats of scholarly subjects, but also of ancient games. Thus the woodcuts of this collection are certainly "useful", in that they afford us with information about the topics of each section, but some of them have the particular function of illustrating activities, games and playing, that are not concretely "useful".
Yanji tu is composed of a set of drawings that show the arrangement of seven rectangular tables, and the textual space is really reduced in the book. This work is considered as the oldest monograph about tables for convivial meetings; it offers precise instructions concerning the dimensions of the tables that are to be arranged. One cannot fail to notice that the pictures have been drawn in a very geometrical and abstract style. For this reason, the Yanji tu and the Dieji pu - a later book about a similar subject -, have been connected with the development of more recent puzzles and mathematical games, such as tangrams.

 

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