Résumés / Abstracts

Ralph KAUTZ et Roderich PTAK

Ormuz à travers les sources des dynasties Yuan et Ming

Au cours du XIVe siècle, Ormuz devint le principal port du golfe Persique, relié alors à l'Inde, l'Extrême-Orient, l'Afrique orientale et le monde méditerranéen. Politiquement, il resta assez indépendant, quoiqu'il versât des impôts aux différents pouvoirs contrôlant la région. Les sources arabes, iraniennes, européennes et chinoises reflètent le rôle tenu par Ormuz dans les échanges commerciaux asiatiques. Le présent article porte surtout sur des textes des dynasties Yuan et Ming. Certaines de ces œuvres contiennent des éléments descriptifs, rédigés selon une perspective indéniablement chinoise - confucéenne, taoïste ou autre -, d'autres mentionnent seulement des toponymes, sans plus de détails. D'autres encore font référence à des missions naviguant d'Ormuz vers la Chine ou vice-versa. Les contacts entre les deux parties - presque toujours par voie maritime - sont attestés dans les Annales véridiques des Ming (Ming shilu), diverses inscriptions, des ouvrages de géographie historique (lishi dili), des traités nautiques, des cartes, etc. Les sources plus tardives ont tendance à copier les écrits antérieurs et n'apportent que rarement de nouvelles données. Tous ces aspects sont examinés ici et, éventuellement, confrontés aux informations provenant de sources d'Asie occidentale ou d'ailleurs. L'arrêt des relations entre la Chine et Ormuz ne fut pas causé par des facteurs externes, mais par une nouvelle orientation de la politique étrangère chinoise. Quelques décennies plus tard, le Portugal prit le contrôle d'Ormuz et une nouvelle ère s'ouvrit.

Hormuz in Yuan and Ming Sources

In the fourteenth century Hormuz became the leading port of the Gulf region. It was then connected to India, the Far East, East Africa, the Levant and the Mediterranean. Politically, it remained fairly independent, although it did pay taxes to the different powers controlling this area. Arabic, Iranian, European and Chinese sources mirror Hormuz' commercial role in Asia's trade. The present article is particularly concerned with Yuan and Ming texts. Some of these works contain descriptive elements, written from a distinctly Chinese perspective - Confucian, Daoist, or otherwise -, others simply carry toponyms without giving further details. Still others refer to delegations sailing from Hormuz to China or in the other direction. Contacts between both sides - nearly always via the maritime route - can be traced through such collections as the Ming shilu, various inscriptions, lishi dili works, nautical treatises, maps, etc. Sources pertaining to later periods tend to copy the earlier material, rarely adding new details to the old data. All these aspects are investigated and, where applicable, checked against the information found in West Asian and other sources.
The end of Sino-Hormuzian contacts was not brought about by external factors, but by a change in China's foreign policy. Several decades thereafter, Portugal gained control over Hormuz and a new era began.

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Jean DELOCHE

Études sur les fortifications de l'Inde. III
La fortification hindoue dans le Sud de l'Inde (VIe-XVIIIe siècle)

Dans l'Inde du Sud, jusqu'à la fin du XIVe siècle, les enceintes des forteresses hindoues étaient faites de hauts et épais murs de terre, avec des parements de gros blocs de pierre posés à sec et sans mortier, flanquées, à intervalles réguliers, de tours quadrangulaires, munies de vastes portes à cours intérieures et entourées de fossés larges et profonds. Ce type de fortification (qui correspondait à des méthodes de guerre ignorant l'utilisation de la poudre à canon et des armes à feu) se retrouve partout dans cette zone, de Badami (VIe siècle) à Halebid (XIIIe siècle) et à Warangal (XIIIe-XIVe siècle).
Avec l'arrivée des Musulmans, apparut une nouvelle et puissante architecture militaire, surtout après l'introduction de l'artillerie de siège vers la fin du XVe siècle. Ainsi, dans la plupart des places fortes dispersées dans les sultanats du Dekkan, comme à Bijapur et à Bidar, furent bâtis des ouvrages de défense beaucoup plus efficaces que ceux de la période précédente, avec des tours circulaires ou demi-circulaires (qui diminuaient les défauts des vieilles constructions), des portes énormes défendues par des barbacanes, des fausses-braies et des murs extérieurs.
Pourtant, on note avec étonnement que, dans beaucoup de lieux fortifiés du Sud, le modèle ancien a été conservé et n'a pas été modifié par les nouvelles techniques. Les ingénieurs militaires ont continué à suivre les vieilles traditions et à construire des courtines faites de sections rectilignes, formant des décrochements à angle droit, flanquées de tours carrées ou rectangulaires, non seulement dans la capitale de l'empire de Vijayanagara, à Penukonda et à Chandragiri, mais aussi dans les villes fortifiées de l'extrême pointe de la péninsule, comme à Tiruchchirappalli, Tanjavur ou Madurai, qui ont gardé, jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, les caractères les plus significatifs de l'ancien système de fortification hindoue.

Studies on fortifications in India. III
The Hindu system of fortification in South India (6th-18th century)

In South India, until the end of the 14th century, fortifications consisted of tall, massive and compact earthen walls, covered with stone facing, often composed of huge blocks laid without mortar, strengthened at regular intervals by solid quadrangular towers, crowned by battlements, provided with strong gateways, trebled with open courtyards between, and surrounded with wide and deep ditches. These features of Hindu military constructions (which belong to a period in which gunpowder and firearms were not in use) are found everywhere in the south of the peninsula, from Badami (6th century) to Halebid (13th century) and Warangal (13th-14th century). With the advent of the Moslems in the Deccan, a vigorous style of military architecture grew up, and the use of guns in the latter half of the 15th century brought about further improvements in the art of defence. Thus, in most of the strongholds built in the Deccan Sultanates, such as Bijapur and Bidar, more effective defence works, for example circular or semi-circular towers (which by establishing a flanking fire remedied the defects of earlier designs), huge gates defended by barbicans, machicolations, fausse-brayes or outer walls, were constructed.
It is significant, however, that in many places in the South old walls and gates remained and were not modified according to the new principles of defence. In the capital of the Vijayanagara Empire, as well as in the strongholds of Penukonda or Chandragiri, military engineers still followed the ancient tradition and built curtainwalls made of segments forming salient angles flanked by square or rectangular towers and, even at the end of the 18th century, on the tip of the peninsula, the ramparts of large fortified towns, such as Tiruchchirappalli, Tanjavur or Madurai had retained the most distinctive features of the old Hindu system of fortification.

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Pascale HAAG-BERNEDE et K. VENUGOPALAN

Une vue dissidente sur le nombre :le Nyâyabhûsana de Bhâsarvajña

La doctrine des catégories (padârtha) du Vaiseýika fait, dans la littérature sanskrite d'orientation philosophique, l'objet de réévaluations successives, notamment de la part des exégètes et des logiciens. Le présent article se propose d'examiner un aspect de cette restructuration, tel qu'il se présente dans un traité de logique du Xe s., le Nyâyabhûsana de Bhâsarvajña. Plusieurs amendements y sont proposés, en particulier dans la catégorie des qualités (guna).
Bhâsarvajña affiche quelque réticence à conserver le nombre (sankhyâ) dans la liste des qualités, en raison du manque de cohérence entre la caractéristique de la qualité définie par le Vaisesika et la réalité linguistique : l'école enseigne que les qualités ne peuvent avoir pour support que des substances (dravya) et sont dépourvues de qualités et de mouvements. Or dans des syntagmes comme " deux couleurs " ou " cinq mouvements ", la qualité qu'est le nombre se présente bel et bien comme ayant une relation avec des entités autres que des substances. Pour remédier à cette situation, Bhâsarvajña propose d'abord de classer le nombre parmi les universaux (sâmânya), puis conclut que le nombre " un " (ekatva) et les autres nombres (anekatva) sont assimilables respectivement aux propriétés de " non différenciation " (abheda) et de " différenciation " (bheda).
Ces thèses, absentes de la littérature vaisesika antérieure au Xe s., sont esquissées dans des textes grammaticaux aussi anciens que le Mahâbhâsya de Patañjali (IIe s. av. n. è.) ou le Vâkyapadïya de Bhartñhari (Ve s.), lesquels pourraient bien constituer la source d'inspiration de cette vue originale.

An alternative view on number: The Nyâyabhûsana of Bhâsarvajña

The Vaiseýika doctrine of categories (padârtha) has been examined several times in Sanskrit philosophical literature, notably by exegetes and logicians. The present paper takes as its focus one aspect of an examination found in a tenth-century logical treatise, namely in Bhâsarvajña's Nyâyabhûsana, where several amendments are proposed, in particular regarding the category of the qualities (guna).
Bhäsarvajña is reluctant to regard number (sankhyâ) as a quality because of the discrepancy between the nature of qualities as conceived by the Vaisesika school and linguistic usage: This school establishes that qualities can only reside in substances (dravya) and do not themselves possess qualities or movement (karman). Nevertheless, in expressions such as "two colours" or "five actions", the quality "number" is presented as having a relation with entities other than substances. In order to deal with this inconsistency, Bhâsarvajña first examines the possibility of regarding number as a universal (sâmânya) and finally concludes that the number "one" (ekatva) is nothing more than non-differentiation (abheda) and that other numbers (anekatva) can be treated as expressing differentiation (bheda).
This idea does not appear in ancient Vaiseýika literature, but seems to be suggested already in Patañjali's Mahâbhâsya (second century B.C.) and in Bhartñhari's Vâkyapadïya (fifth century A.D.), both of which could be regarded as possible sources of inspiration for this unusual position.

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Charlotte von VERSCHUER

Le moine Shunjô (1166-1227) : sa jeunesse et son voyage en Chine

La biographie du moine japonais Shunjô (1166-1227), Sennyûji-Fukaki-hôshiden (1244), est un témoignage précieux de la vie sociale et religieuse du Japon et de la Chine autour de l'année 1200, époque de mutation dans les deux pays. Cet article propose la traduction de la première moitié de la biographie, qui relate la jeunesse de Shunjô à Kyûshû et son séjour en Chine de 1199 à 1211. Le texte donne une image de l'état du bouddhisme à Kyûshû, à l'écart des courants de la capitale de Heian, et décrit certaines pratiques religieuses dont une vision en rêve et l'exorcisme du Roi de Science. En Chine, Shunjô fréquente les milieux des monastères du Zhejiang et de la cour impériale. Ici aussi, le texte témoigne des pratiques des monastères, à travers les relations personnelles de Shunjô avec ses confrères chinois et son engagement dans les rites exorcistes. On peut considérer le texte ici traduit comme un document d'ethnographie religieuse.

The Japanese monk Shunjô (1166-1227): his youth and his sojourn in China

The biography of the Japanese monk Shunjô (1166-1227), Sennyûji-Fukaki-hôshiden (1244), provides us with precious informations about social and religious life in Japan and China around the year 1200, a time of political change in both countries. This article contains a translation of the first half of this biography, which gives an account of the youth of Shunjô in Kyûshû and of his stay in China from 1199 to 1211. The text offers a picture of the state of Buddhism in Kyûshû, far away from the Heian capital's main currents, and describes some religious practices there, including a dream-vision and the exorcism of Fudô Myôô. In China, Shunjô spent time in several monasteries of the Zhejiang province and in the imperial capital. Thus for China too, by way of recounting Shunjô's personal relations with his Chinese confrères and his involvement in exorcism rituals, the biography offers an account of local practices in the monasteries. The text can be considered as a document of religious ethnography.

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Ian C. GLOVER et Bérénice BELLINA

Les perles décorées en agate et en cornaline à l'est de l'Inde - fin de la période préhistorique et début de la période historique

Cet article se propose de faire un état de la question des perles en agate et en cornaline décorées (" etched beads ") découvertes ces dernières années en Asie du Sud-Est, depuis le Myanmar jusqu'à la Chine et depuis les Philippines jusqu'en Indonésie. Ces objets de parures, rares et de grande valeur, sont traditionnellement tenus pour avoir été fabriqués en Asie du Sud. La présence de ces perles en Asie du Sud-Est, où beaucoup d'entre elles ont été mises au jour dans des contextes archéologiques datables, constitue un bon indice des premiers échanges ou des échanges réguliers qui se sont établis entre cette région et l'Asie du Sud autour du VIe siècle avant notre ère. Parce qu'elles sont mieux datées et qu'elles ont fait l'objet d'études exhaustives, cet article accorde une attention plus particulière aux perles issues de la nécropole de l'âge du fer de Ban Don Ta Phet en Thaïlande de l'Ouest, où plus de 40 perles en agate et en cornaline décorées ont été exhumées entre 1976 et 1985.

Alkaline etched beads east of India in the late prehistoric and early historic periods

The aim of this article is to bring to the notice of scholars the number and widespread distribution of alkaline etched beads made of agate and carnelian which have been found in recent years in eastern Asia - from Myanmar to China and from the Philippines to Indonesia. It is argued that these rare and valued ornaments were most probably made in South Asia and that the presence of these beads, many of which have been found in datable archaeological contexts, provides a good indicator of the beginnings of regular exchange links between South and Southeast Asia around 500 B.C. Because they are better dated and have been more exhaustively studied, particular attention is given to the beads from the Iron Age cemetery at Ban Don Ta Phet in western Thailand, where over 40 etched carnelian and agate beads were excavated between 1976 and 1985.

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Florence YVON-TRÂN

Artisanat et commerce villageois dans le Viêt-Nam prémoderne, du XIe au XIXe siècle. Le cas de l'ancienne agglomération villageoise de Phù Ninh (région du Kinh Bâc)

Le présent article se propose d'examiner sur la longue durée, à partir de sources anciennes (chroniques villageoises, annales impériales, inscriptions, etc.), l'évolution économique d'une ancienne agglomération villageoise, considérée à travers l'exploitation des plantes médicinales, l'industrie textile et les transformations survenues dans la physionomie des marchés qui se sont succédés sur son territoire. Trois phases semblent pouvoir être distinguées : implantation, pendant la période Ly-Trân, d'activités artisanales et formation spontanée d'un premier marché local ; expansion du secteur artisanal accompagnée d'une progression des échanges aux XVIe et XVIIe siècles ; durant la période allant du XVIIIe à la fin du XIXe siècle, et plus particulièrement au cours du XVIIIe siècle, accélération du développement des activités commerciales.
Par certains aspects, l'analyse de l'ancienne agglomération de Phù Ninh a permis une meilleure compréhension de l'évolution économique des villages " avancés ".

Craft industry and local commerce in pre-modern Vietnam from the 11th to the 19th century. The example of the village agglomeration of Phù Ninh (Kinh Bâc region)

The present article seeks to show, through ancient sources (the chronicles of villages, Imperial annals, inscriptions…), the economic evolution of a village agglomeration, especially in the exploitation of medicinal plants, the textile industry and the changes in the face of local markets that were successively funded in this territory. Three phases of development may be distinguished: implantation during the Ly-Trân period of craft activities, and a "spontaneous" local market; expansion of the crafts sector with a growth in the volume of exchanges in the 16th and 17th centuries; for the period from the 18th to the end of the 19th century and particulary in the 18th century the acceleration of development in commercial activities.
The analysis of Phù Ninh provides an insight into the economic evolution of "advanced" villages.

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Olivier de BERNON texte intégral (pdf 299 ko)

Le plus ancien monument subsistant de Phnom Penh : une tour angkorienne sise dans l'enceinte du Vatt Unnâlom

Bien que repérés par les ingénieurs français dès le milieu du XIXe siècle, les vestiges d'une tour angkorienne, qui se dresse à l'ouest du vihâra Vatt Unnâlom, n'ont pas retenu l'attention et, de ce fait, la preuve patente que le site de Phnom Penh a été partiellement aménagé à l'époque angkorienne est demeurée inaperçue. Cette tour étant construite en blocs de grès homogène, sans pierres utilisées en réemploi, il est permis de penser que sa construction remonte à une période située avant le déclin de l'activité des carrières, qui semble s'être produit vers la fin du XIIe siècle ou vers le début du XIIIe ; cette hypothèse est corroborée par le soin apporté au procédé d'assemblage de grande précision, que l'on ne retrouve plus dans l'architecture khmère après cette période.
On ne sait rien de l'histoire ancienne de ce monument, sinon qu'il avait déjà été transformé en cetiya au XVe siècle, et l'inscription qui y est scellée ne relate que des événements ayant eu lieu dans le monastère entre 1867 et 1890.

The most ancient monument of Phnom Penh: a Angkorian tower inside the compound of Vatt Unnâlom

Although it was noticed by French engineers as early as the middle of the nineteenth century, the ruins of an Angkorian tower to the west of the vihâra of Vatt Unnâlom seem to have been neglected ever since, and this evidence that the area of Phnom Penh had been developed from Angkorian times has long remained unobserved. The tower is constructed of homogenous sandstone blocks. Since it has no reused blocks, one may assume that it was built no later than the twelfth or early thirteenth century, an assumption that is corroborated by the high technical standard of the construction, which is not to be found in Khmer architecture after this period.
Nothing is known of the ancient history of this monument beyond that it had already been transformed into a cetiya in the fifteenth century; the inscription found on the monument only records events that occurred between 1867 and 1890.

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Gérard DIFFLOTH

Les expressifs de Surin, et où cela conduit
Les expressifs constituent, dans plusieurs langues d'Asie, une partie du discours fondamentale ; en utilisant un expressif, le locuteur essaie de transmettre une sensation à l'auditeur de façon aussi directe que possible par le moyen du langage. Prenant des exemples dans la variété de khmer parlée dans la province thaïlandaise de Surin, nous suggérons que la forme phonologique des expressifs est le résultat d'une improvisation à partir d'un système phonesthétique et de règles de concaténation spécifiques à chaque langue. Les expressifs sont extrêmement difficiles à obtenir sur le terrain, et ont été à peu près ignorés ; ils contiennent cependant des données précieuses pour la sémantique, l'histoire, et peut-être l'évolution du langage humain.

Expressives of Surin, and where they lead us

Expressives constitute a fundamental word class in many languages of Asia; they represent an attempt by the speaker to transmit a sensation to the hearer as directly as language allows. Using evidence from the variety of Khmer spoken in Surin Province, Thailand, we suggest that the phonological forms of expressives are the result of improvisation based on a phonaesthetic system and concatenation rules which are language-specific. Expressives are extremely difficult to elicit in the field, and have generally been neglected; yet they contain precious clues for semantics, history, and perhaps the evolution of human language.

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Jean-François GUERMONPREZ

La religion balinaise dans le miroir de l'hindouisme

Dans quelle mesure la religion traditionnelle balinaise peut-elle être considérée comme une forme locale d'hindouisme ? Les contributions relatives à cet aspect de l'" indianisation " de l'île restent souvent trop générales ou sont biaisées par un parti pris indocentrique qui a contribué à créer l'image hindouisée de Bali. Appuyée sur une analyse comparative de certaines conceptions et pratiques religieuses fondamentales, l'interprétation argumentée de l'auteur est que Bali est un cas, peut-être unique en Asie du Sud-Est, d'indianisation sans hindouisation. À cet égard, le rite originellement shivaïte effectué quotidiennement par les prêtres balinais brahmana est exemplaire, car il montre clairement qu'" indianisation " signifie ici " dé-hindouisation " et " balinisation " d'un rituel emprunté à l'Inde. En conclusion, l'auteur suggère que la singularité de Bali en Asie du Sud-Est renvoie à l'histoire particulière et énigmatique de la royauté balinaise qui, au moins au XIXe siècle, n'était pas (plus ?) hindouisée au sens que Cœdès donne à ce terme dans son ouvrage classique.

Balinese religion seen in the mirror of Hinduism

To what extent can Balinese traditional religion be considered as a local form of Hinduism? Contributions to the literature on this aspect of the "Indianisation" of Bali remain often too general or are biased by an indocentric viewpoint which has been instrumental in creating the image of "Hindu Bali". Based on a comparative analysis of some core religious conceptions and practices, the author argues that Bali is an example, perhaps unique in Southeast Asia, of Indianisation without Hinduisation. In this respect, the originally Shaiva rite which the Balinese Brahmana priests perform daily is exemplary inasmuch as it shows that 'Indianisation' here means 'de-Hinduisation' and 'Balinisation' of a ritual borrowed from India. In his concluding remarks, the author suggests that the singularity of Bali in Southeast Asia echoes the particular and enigmatic historical developments of Balinese kingship which, at least in the nineteenth century, was not (no longer?) Hinduised in the sense that Cœdès defined in his classic work.

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