François Lachaud
EFEO

Le dernier des géants :
Kobayashi Kiyochika (1847-1915) et les images de la mélancolie urbaine

La forme d’une ville change plus vite que le coeur des hommes. Nous le savons depuis Baudelaire. L’estampe japonaise, à travers la figure de son dernier grand maître, Kobayashi Kiyochika, nous a laissé en héritage un témoignage irremplaçable du passage d’un Japon l’autre. Artiste de la mélancolie des villes et de leurs habitants, l’oeuvre multiforme de Kobayashi tient lieu de porte ouverte pour comprendre le douloureux destin des humains confrontés aux changements qui scellent leurs nouveaux horizons. Passeur entre deux rives, cet homme de nocturnes et de ciels flagellés de pluie, retrace et restitue le passage de l’ancienne Edo à la nouvelle capitale : Tokyo. Il mérite de prendre place dans le cortège des artistes qui nous ont rendu un passé à jamais enfui ainsi qu’une poésie de la fourmillante cité, sans cesse en mutation. Ses estampes et ses autres dessins et peintures le font entrer de plain-pied dans la compagnie des « antimodernes » qui ont fixé notre regard sur la ville, tels Nagai Kaf u ̄ (1879-1959) ou Fernando Pessoa (1888-1935).

François Lachaud est directeur d’études à l’École française d’Extrême-Orient et directeur d’études associé à la Section des sciences religieuses de l’École Pratique des Hautes Études. Spécialiste des relations entre le bouddhisme et la civilisation japonaise et de l’histoire des idées, il étudie l’histoire des écoles bouddhiques zen, la réception de la culture et de la langue chinoises au Japon, les représentations de l’au-delà, ainsi que les interactions avec le monde ibérique (Portugal et Espagne) dans le Japon prémoderne. Il a publié La Jeune fille et la mort (Prix Stanislas Julien, 2006).