Le Baphuon : un siècle de restauration

Le Baphuon aujourd'hui

Textes Pascal Royère : « Le Baphuon : un siècle de restauration », dans Angkor VIIIe– XXIe siècle, Mémoire et identité khmères, (Paris : Autrement, 2008)

La renaissance

« À force de persévérance, les espoirs finiront par être comblés. C’est par un matin ensoleillé de février 1995, au cours d’une belle cérémonie qui renoue de façon lointain avec les traditions angkoriennes, que sa Majesté le roi-père Norodom Sihanouk inaugure la reprise des travaux sur le Baphuon… Un bref aperçu des conditions permet de saisir l’ampleur des problématiques : pillage des archives du chantier en avril 1975 lors de la chute de Phnom Penh, effondrement du quart nord-est du troisième étage et surtout, disparition d’une partie des ouvriers, et avec eux de tous les métiers indispensables à l’accomplissement d’un tel chantier… En quelques mois, toutes les pistes possibles sont parcourues pour élaborer une méthodologie permettant de réaliser l’inventaire du dépôt de pierres sculptées, et répondre à une question qui peut se résumer de la façon suivante : comment assembler un puzzle de 300 000 pièces dont le modèle a disparu ? Après de longues séances d’assemblage au sol, la clé du problème est finalement trouvée. Grâce au support d’un jeu de photographies de l’EFEO et de quelques dessins miraculeusement épargnés par l’autodafé général d’avril 1975, il devient possible de retrouver la position précise de chacune des pierres abandonnées dans la forêt… Mais il y a un temps d’attente très long pour s’assurer de l’inventaire définitif des pierres. Ainsi, il aura fallu arpenter les dix hectares du dépôt lapidaire durant de longues années pour parvenir à esquisser une préfiguration graphique des possibilités de restauration du monument. Ce sont de longues années durant lesquelles l'essentiel du travail sera consacré par les uns à l’inventaire des pierres disponibles et à leur localisation dans l’espace du temple, tandis que les autres s’attacheront à stabiliser les gradins de sable de la pyramide. »

 « Ces derniers temps, la remarque d’Henri Marchal "l'aspect actuel [du temple] relève plus d'un paysage de montagne que de l'architecture", perd de plus en plus de sa valeur. Le paysage de montagne désolant auquel il faisait face au milieu des années 1950 redevient progressivement architecture. L’année 2008, qui marque le centenaire de la création de la Conservation d’Angkor et, par ricochet, le centenaire du début d’une longue lutte contre les assauts du temps sur le Baphuon, inaugure également un basculement important matérialisé par l’entrée dans la dernière phase des travaux de restauration. Tout est aujourd’hui réuni pour que d’ici à la fin 2009, cette lutte soit enfin menée à son terme, et permette au monument de retrouver un nouvel équilibre et une nouvelle place dans l’histoire d’Angkor
Certes, le visiteur des prochaines décennies n’aura pas une vision du temple conforme à celle de Zhou Daguan au XIIIe siècle, puisque, à cette lointaine époque, le temple sivaïte n’avait pas encore été transformé par la refonte bouddhique du XVIe siècle. Cependant, il pourra apprécier la monumentalité des imposants soubassements de la pyramide confrontée à la délicatesse des décors ciselés et des bas-reliefs des trois étages, tout en contemplant le visage apaisé du Bouddha de la face ouest sculpté cinq siècles plus tard. »

Angkor

 

 © Autrement. Extrait de Angkor  VIII-XXI e siècles - Mémoires et identités khmères 2008.

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