Conférences Histoire, Archéologie et société.no. 25
13 JUIN 00
13 juin 2000 (Académie des sciences de Chine, Institut d’histoire des sciences) : Eric TROMBERT (CNRS), Bière et Bouddhisme : la consommation de boissons alcoolisées dans les monastères de Dunhuang aux VIIIe-Xe siècles.Dans la tradition bouddhique, l’abstinence d’alcool est tenue pour l’une des règles qui s’imposent aux moines et aux fidèles les plus pratiquants. Or les comptes de monastères retrouvés à Dunhuang font état de grosses dépenses pour acheter et pour fabriquer des boissons alcoolisées. A partir des données comptables contenues dans ces textes, on a pu mesurer l’ampleur du phénomène, qui concernait autant la hiérarchie monacale que les simples moines.Tout au long de l’année, les occasions de boire étaient multiples : banquets maigres, célébrations diverses, mais aussi grandes fêtes bouddhiques. A côté d’une large utilisation festive, les boissons alcoolisées servaient aussi de moyens de paiement. Enfin, elles étaient présentes dans de nombreux rituels non bouddhiques auxquels participaient les moines. Seule restriction décelable : il ne semble pas que les boissons alcoolisées aient joué un rôle dans les cérémonies spécifiquement bouddhiques. Les mêmes sources montrent en outre qu’une part importante des boissons était fabriquée au sein même des monastères ; mais elles révèlent aussi l’existence d’entreprises spécialisées, gérées par des laïcs, dont les monastères étaient les principaux fournisseurs et clients. Il semble donc qu’à Dunhuang l’Eglise bouddhique et le monde laïc vivaient dans un tel état de symbiose que la première avait fini par accepter des pratiques étrangères, voire contraires à ses principes. La règle d’abstinence fut en quelque sorte victime du triomphe de la doctrine.On s’est attaché à préciser la nature des boissons consommées (des bières) et, grâce à un document unique, on a pu déterminer la composition exacte de quelques cuvées.