François Martini

Can Tho (Vietnam), 1895 - 1965

Détaché en 1947, nommé correspondant en 1948

François Martini, né métis Corse-Cambodgien, a étudié, avant la première guerre mondiale, le droit et la philosophie. Monté au front, il reste plusieurs jours enterré dans un trou d'obus, d'où il est relevé dans le coma : il se réveille complètement sourd et, avec ce handicap, se destine à un métier manuel, la taille des diamants. Recouvrant par la suite la totalité de ses facultés et attiré avant tout par les langues, il envisage de se présenter à l'agrégation d'italien, lorsque Sylvain Lévi le convainc de passer plutôt le certificat de sanskrit et de se consacrer à l'orientalisme. Diplômé de siamois à l'École des langues orientales en 1922, il y devient, en 1928, répétiteur de siamois et de cambodgien. C'est à ses efforts que le cambodgien doit d'avoir, à partir de 1943, un enseignement indépendant. Il enseigne également à l'École nationale de la France d'outre-mer, puis à l'École pratique des hautes études (chaire de linguistique indochinoise), où il avait consacré sa thèse à la traduction et à l'édition d'un texte écrit dans un pâli influencé par le môn et le khmer, le Dasa-Bodhisatta-Uddesa, qui fera ultérieurement l'objet d'une publication dans le BEFEO (1936).

François Martini part pour le Cambodge en 1946, avec le grade de colonel. Conseiller auprès du ministère cambodgien des Cultes et des Beaux-Arts, il devient secrétaire général de l'Institut bouddhique de Phnom Penh en 1947. Sa collaboration avec l'EFEO commence la même année, en tant que correspondant : il y assure par intérim la fonction de Conservateur des monuments du Cambodge. Mais l'essentiel, pour ce disciple du linguiste André Martinet, est d'étudier, lors de missions sur le terrain, les traits grammaticaux communs aux langues de l'Indochine et leurs systèmes phonologiques. Il applique ses conclusions à la transcription de parlers sans écriture (srê) et à la translittération (et romanisation) des langues écrites. En particulier, la division politique du pays tai (Nord-Vietnam) avec les incessantes rivalités de ses chefs, la multiplicité des alphabets et la divergence entre les parlers l'amènent à mettre au point pour les Tai un système de translittération qui permet d'écrire en typographie latine leurs écritures et de mettre en lumière les convergences de ces dialectes. C'est en 1950 qu'il regagne la France et l'École des langues orientales, où il avait été nommé professeur en 1947. Il y enseigne jusqu'à la veille de sa mort, en 1965.

On retient surtout de François Martini, qui a marqué toute une génération de spécialistes du Cambodge, au premier rang desquels Solange Bernard-Thierry, sa contribution à la connaissance de la langue khmère : on lui doit une méthode pratique de lecture (1932, 1934), un système de translittération et une étude phonologique (1946). Il a également participé, avec des lettrés cambodgiens, à la création de néologismes, notamment à partir de racines sanskrites, dans le but de moderniser la langue. Il consacra une partie de sa vie à une traduction du Râmakerti, qui a été publiée à titre posthume par son épouse, Ginette Martini (elle-même spécialiste de pâli et auteur de plusieurs articles sur la littérature pâlie parus dans le BEFEO), avec la collaboration de Solange Bernard-Thierry. On notera l'engagement de François Martini en faveur de la décolonisation de l'Indochine, qui l'a amené à être rédacteur en chef de La Tribune indochinoise, « organe d'étude et de combat pour l'Indochine autonome », paraissant à Paris à partir de 1926. Littérateur enfin, François Martini est l'auteur de poèmes et d'une nouvelle, La petite marchande de canne-à-sucre (1934).

Sources

Deux siècles d'histoire de l'École des langues orientales, Paris, Hervas, 1995, p. 260-261 ; bibliographie dans Annuaire 1966-1967 (99e année), École pratique des hautes études, IVe section, Paris, 1966.


Publications

1932

Méthode de lecture et de transcription du cambodgien, 2 vol., Paris.

1934

« La «perfection» suprême de Maitreya le Bouddha futur (d'après des textes cambodgiens inédits) », Outre-Mer (3e trim.).

1934

La petite marchande de canne-à-sucre, Saigon, L'Asie nouvelle, (texte non scientifique).

1937

« En marge du Râmâyana cambodgien », BEFEO 37/2, p. 285-295.

1946

« Aperçu phonologique du cambodgien », Bulletin de la Société de linguistique de Paris 42, p. 113-131.

1978

La gloire de Rama. Râmakerti, Râmâyana cambodgien, Paris, Les Belles Lettres.

 

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