Léopold Cadière

Sainte-Anne-des-Pinchinats, 1869 - Hué (Vietnam), 1955

Membre de 1918 à 1920,
nommé membre d'honneur en 1948

Né dans une famille de modestes fermiers, Léopold Cadière fait ses études au Petit et au Grand Séminaire d'Aix-en-Provence, avant d'entrer au Séminaire de la Société des Missions étrangères de Paris et d'être ordonné prêtre en 1892. Il part un mois plus tard pour la Cochinchine. Affecté successivement comme professeur au Petit Séminaire d'An-ninh, à cent kilomètres au nord de Hué, professeur au Grand Séminaire de Hué, curé de Tam-toà (prov. de Quang-binh), puis curé de Cu-lac, il se voue à ses obligations sacerdotales en même temps qu'à l'étude de la langue vietnamienne, de l'histoire et des coutumes locales.

C'est à Cu-lac qu'il rencontre Louis Finot et le Cdt Lunet de Lajonquière, alors en mission de reconnaissance pour l'EFEO naissante. Ils se lient d'amitié. « Louis Finot aimait à dire que la plus belle découverte qu'il avait faite lors de son premier voyage d'exploration de l'Indochine était le R. P. Cadière » (L. Malleret). Il collaborera aux travaux de l'École à la naissance de l'institution, donnant un article à la première livraison du Bulletin (1901) et participant au premier Congrès des études d'Extrême-Orient organisé par l'École à Hanoi en 1902. Il sera nommé membre correspondant de l'École en 1906.

Après six mois de repos à Hong Kong, en 1901, il reprend le chemin de l'Annam, où il exerce jusqu'en 1910. Il prend alors un congé en France, au cours duquel il est chargé de mission par l'EFEO, pour rechercher, dans les bibliothèques de Paris et de Rome, des documents sur l'histoire ancienne de l'Indochine ; il découvre notamment un exemplaire manuscrit du dictionnaire du Père Alexandre de Rhodes. Il assiste également, à Louvain, en septembre 1911, à la Semaine d'ethnologie religieuse, science toute nouvelle et passablement sulfureuse.

À son retour d'Europe, il est tout d'abord nommé aumônier à Hué. C'est lors de ce séjour, en 1914, qu'il fonde avec quelques amis l'Association des Amis du Vieux Hué, qu'il animera durant trente ans (elle disparaîtra en 1945). Il donnera à son Bulletin une quantité considérable d'articles et de notes sur les sujets variés que sa curiosité insatiable et son labeur incessant l'amènent à étudier. Affecté ensuite à Cua-tung (Terre Rouge), il y demeure 28 ans. Nommé membre pensionnaire de l'EFEO en octobre 1918, il ne reste que deux années dans ce poste, car il se refuse à habiter Hanoi, et reprend par la suite son ministère à Cua-tung. Il y fait construire une église, si splendide qu'on l'appelle « la cathédrale », ouvre des écoles et crée un jardin botanique célèbre pour ses essences de fougères rares.

Des problèmes de santé lui imposent de faire un dernier séjour en Europe en 1928-1929. Il reprend ses recherches en bibliothèque (il découvre de nouveaux documents sur le Père de Rhodes, ainsi qu'un important récit du jésuite Gaspar Luis sur les débuts des communautés chrétiennes en Annam) et assiste à la Semaine d'ethnologie religieuse à Luxembourg.

Lors du coup de force japonais de mars 1945, il est placé en résidence forcée avec d'autres missionnaires durant 15 mois à la procure de Hué. Immédiatement après, à la suite de l'offensive des troupes du gouvernement de Hô Chi Minh contre les positions françaises de Hanoi, le 19 décembre 1946, il est interné à Vinh, avec six autres prêtres, de janvier 1947 à juin 1953. Il met à profit cette séquestration pour rédiger des mémoires : 1 500 pages écrites en travers du texte de brochures imprimées. C'est durant cette période, en septembre 1948, qu'il est nommé membre d'honneur de l'EFEO. À sa libération, il refuse d'être rapatrié (il a 84 ans) et s'installe à Hué, où il s'éteint le 6 juillet 1955.

Ses travaux portent principalement sur la linguistique (phonétique annamite, dialectes muong, syntaxe vietnamienne), l'histoire et l'ethnographie. Il est considéré comme le fondateur des études ethnologiques au Vietnam ; ses travaux sur les croyances et pratiques religieuses locales, notamment, sont totalement novateurs. Il était également grand amateur de botanique ; il rédigea quelques études dans ce domaine et fournit au Museum d'histoire naturelle et à d'autres correspondants dans le monde entier plusieurs milliers de spécimens de plantes.

Outre son ouvre scientifique, il a dirigé pendant de longues années la revue du clergé vietnamien Sacerdos Indosinensis et il a laissé des « Souvenirs d'un vieil annamisant » (publiés dans les revues de Hanoi Indochine et Sud-Est, en 1942-1945 et 1950 respectivement), ainsi que les Mémoires rédigés à Vinh, toujours inédits.

Sources

BSEI, 4 (1956), p. 271-302 ; BEFEO 49/2 (1958-59), p. 648-657 ; L'École française d'Extrême-Orient à Hanoi, 1900-2000, op. cit., p. 27 ; bio-bibliographie dans L. Cadière, Croyances et pratiques religieuses des viêtnamiens, 3 vol., Paris, EFEO (Réimpressions, 5), 1992, p. 5-39.


Publications

1901

« Croyances et dictons populaires de la vallée du Nguön-Sôn », BEFEO 1/2, p. 119-139 ; 1/3, p. 183-207.

1904

(avec Paul Pelliot), « Première étude sur les sources annamites de l'histoire d'Annam », BEFEO 4/3, p. 617-671.

1905

« Tableau chronologique des dynasties annamites », BEFEO 5/1-2, p. 77-145.

1906

« Le mur de Dông-hoi : étude sur l'établissement des Nguyên en Cochinchine », BEFEO 6/1-2, p. 87-254.

1907-08

« Philosophie populaire annamite : cosmologie », Anthropos (Vienne) 2, p. 116-127, 955-969 ; 3, p. 248-271, [réimpr. dans Revue Indochinoise, Hanoi 12 (1909)].

1908-10

« Monographie de la semi-voyelle labiale en sino-annamite et en annmite », BEFEO 8 (1-2, 3-4), 9 (1, 2, 3, 4), 10 (1, 2).

1915

« Anthropologie populaire annamite », BEFEO 15/1, p. 1-103.

1917-26

« Les Français au service de Gia-Long » (I, II, III, VI, VII, IX, XI, XII), BAVH 4 (1917), 5 (1918), 7 (1920), 9 (1922), 12 (1925), 13 (1926).

1919

« L'art à Hué », BAVH 6.

1944-56

Croyances et pratiques religieuses des Viêtnamiens, Hanoi, Imprimerie d'Extrême-Orient (t. I) et Paris, EFEO (t. II, III), 1944, 1955, 1956, [réimpr. EFEO, 1992].

 

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