In Memoriam Léon Vandermeersch

L’éminent sinologue et ancien directeur de l'École française d’Extrême-Orient (EFEO) Léon Vandermeersch s’est éteint le 17 octobre 2021 à l’âge de 93 ans. Grand spécialiste du confucianisme et du système de pensée de la Chine ancienne, Léon Vandermeersch fut tant familier des langues et civilisations du Japon et du Vietnam que de celles de la Chine. Il commence sa carrière d’Orientaliste comme professeur de lycée à Saïgon et à Hanoi (1951-1956), puis comme membre de l’EFEO affecté successivement à Hanoi, Kyoto, Hongkong et Paris (1956-1966). Il enseigne ensuite comme professeur aux universités d’Aix-en-Provence (1966-1973) et de Paris-VII (1973-1979) avant d’occuper une direction d’etudes en religions chinoises à l'École pratique des hautes études (1979-1993). Il assure par ailleurs la direction de la Maison franco-japonaise de Tokyo de 1981 à 1984 et la direction de l'EFEO de 1989 à 1993.

D'abord comme responsable au Vietnam puis comme directeur, Léon Vandermeersch est appelé à prendre plusieurs décisions majeures de l’histoire de l'École française d’Extrême-Orient. En tant que responsable intérimaire du Centre de Hanoi, il entreprend la dévolution du patrimoine de l'École au Vietnam, en application des accords d’armistice de Genève en 1954, notamment le transfert aux autorités vietnamiennes de la grande bibliothèque orientaliste et du musée Louis Finot -aujourd’hui Musée national d’Histoire du Vietnam- de l’EFEO à Hanoi. Plus tard, ce sera à Léon Vandermeersch que l'École devra son redéploiement en Indochine, d’abord à Siem Reap en 1992 puis à Hanoi et à Vientiane en 1993, sur invitation des gouvernements des trois pays concernés. Il prend en outre l’initiative de l’ouverture du Centre de Taipei en 1992 comme première implantation permanente de l’EFEO dans le monde chinois, suivie de celle du Centre de l’EFEO à Hongkong en 1994, aboutissement d’une longue et amicale collaboration entre Léon Vandermeersch et le grand sinologue, peintre et calligraphe Jao Tsung-I (1917-2018).

Bénéficiant d’une double formation sinologique et de droit obtenue à Paris et à Kyoto, l’œuvre de Léon Vandermeersch porte notamment sur le droit, les rites, la divination et le système d’écriture de la Chine ancienne. Aux côtés de La formation du légisme (EFEO, 1965), du monumental Wangdao ou La voie royale (EFEO, 1977-1980) et des Études sinologiques (Presses universitaires de France, 1994), lesquels traitent des institutions de la Chine archaïque, Le nouveau monde sinisé (PUF, 1986) interroge le renouveau et le dynamisme économique des pays anciennement marqués par le confucianisme et l’écriture idéographique de la Chine. Les deux raisons de la pensée chinoise (Gallimard, 2013) poursuivent plus avant le rapport entre raison divinatoire et écriture idéographique comme les deux piliers de la civilisation chinoise. Au soir de sa vie, ni âge ni maladie ne sauront tarir son esprit fécond et profondément original. Récemment encore l’auteur aborde dans Ce que la Chine nous apprend les perceptions, allant de l’altérité à l'universalité, de la civilisation chinoise en Occident (Gallimard, 2019). Ses derniers écrits furent consacrés à la littérature. La littérature chinoise, littérature hors norme paraîtra chez Gallimard en 2022. Sa traduction du grand traité médiéval sur l'esthétique littéraire chinoise Esprit littéraire et sculpture de dragons, élaborée conjointement avec Mme Jin Siyan, professeur de littérature chinoise à l’université d’Artois, est en cours d’édition.

Reconnu non seulement en France mais aussi en Chine, au Japon et aux États-Unis comme l’une des plus éminentes autorités sur la Chine ancienne, Léon Vandermeersch est nommé membre correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres en 1991. En 2017 le prix de sinologie Léon Vandermeersch est créé à l’Académie en son honneur avec le concours de la Fondation Mingyuan de Hongkong.

Franciscus Verellen

 

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The eminent China scholar and former director of the French School of Asian Studies (EFEO) Léon Vandermeersch passed away on October 17, 2021, aged 93. A leading specialist of Confucianism and the thought system of early China, Léon Vandermeersch was as familiar with the languages and civilizations of Vietnam and Japan as with those of China. He began his academic career as a member of the EFEO assigned successively to Hanoi, Kyoto, Hong Kong and Paris (1956-1966), after initially teaching high school in Saigon and Hanoi (1951-1956). He then taught as professor at the universities of Aix-en-Provence (1966-1973) and Paris-VII (1973-1979) and occupied a chair in Chinese religions at the École pratique des hautes études (1979-1993). He served as director of the Maison franco-japonaise in Tokyo from 1981 to 1984 and as director of the EFEO from 1989 to 1993.

It fell to Léon Vandermeersch as acting head of the EFEO Center in Hanoi, and later as director, to steer the French School of Asian Studies through several major junctures in its history. In Hanoi he undertook the transfer of the School’s landmark Orientalist library and Louis Finot Museum (today’s National Museum of History) to the Vietnamese authorities in application of the Geneva armistice agreement of 1954. As director, Léon Vandermeersch initiated at the invitation of each of the three countries concerned the School’s redeployment in Indochina, first with the reopening of its research and conservation centers in Siem Reap in 1992, followed by Hanoi and Vientiane in 1993. Also in 1992 Vandermeersch took the initiative of opening a Center in Taipei, the EFEO’s first permanent installation in the Chinese world. The creation of the Hong Kong Center in 1994 was an outgrowth of a longstanding, close collaboration between Léon Vandermeersch and the renowned sinologist, painter and calligrapher Jao Tsung-I (1917-2018).

With the benefit of advanced training in both Chinese studies and law, obtained in Paris and Kyoto, Léon Vandermeersch’s research interests focused on the laws, rites, divinatory practices, and writing system of ancient China. Beside La formation du légisme (EFEO, 1965), Wangdao ou La voie royale (EFEO, 1977-1980), and Études sinologiques (Presses universitaires de France, 1994), which magisterially elucidated the institutions of early China, Le nouveau monde sinisé (PUF, 1986) addressed the renewed economic dynamism of East Asian countries formerly marked by the influence of Confucianism and the Chinese writing system. Les deux raisons de la pensée chinoise (Gallimard, 2013) investigates the connection between China’s ideographic script and its original divinatory function as an underlying rational of Chinese thought. Neither the accumulating years nor health issues could slow the productions of his fertile and deeply original mind. Ce que la Chine nous apprend (Gallimard, 2019) described the role of China in Western perceptions as a model of both alterity and universality. His last works were dedicated to literature. La littérature chinoise, littérature hors norme is scheduled to appear at Gallimard in 2022; his translation of the great medieval treatise on Chinese literary aesthetics The Literary Mind and the Carving of Dragons, carried out jointly with Professor Jin Siyan of the University of Artois, is in the final editorial stages.

Recognized as one of the most prominent authorities on early China not only in France, but also in China, Japan and the United States, Léon Vandermeersch was elected a corresponding member of the Académie des Inscriptions et Belles-lettres in 1991. In 2017 the Léon Vandermeersch Prize of Chinese Studies was created in his honor at this Academy with the support of the Mingyuan Foundation of Hong Kong.

Franciscus Verellen