Articles

Pierre LACHAIER

Cérémonies d'hommage à Sarasvatī et aides à l'éducation chez les Lohāṇā de Pune

Depuis les années 1970, les deux associations de Pune des sections locales hālāi et kacchī de la caste des Lohānā ont encouragé leurs jeunes membres à poursuivre leurs études en leur accordant une aide croissante. Après avoir brièvement décrit les cérémonies de distribution des prix qu'elles organisent solennellement en hommage à la déesse des arts et du savoir Sarasvatī, nous analyserons comparativement leurs programmes d'aide à l'éducation sur une période d'une trentaine d'années. Puis, nous procéderons à une analyse quantitative des résultats scolaires et universitaires obtenus à l'aide des données fournies dans les trois recensements que ces sections ont chacune compilés pendant cette période.

 

François LAGIRARDE

Temps et lieux d'histoires bouddhiques : à propos de quelques "chroniques" inédites du Lanna

La littérature du Nord de la Thaïlande (le Lanna), conservée sous la forme de manuscrits dans les monastères de la région, est riche et variée. Avec deux ou trois cents titres encore mal connus et fort loin d'être publiés, les tamnan ou chroniques traditionnelles en constituent l'un des genres principaux. Ce genre demeure difficile à caractériser, malgré de nombreuses tentatives, car il englobe les véritables chroniques officielles, les annales religieuses, les récits édifi ants composés autour de la fondation de sites bouddhiques et les histoires merveilleuses de toutes sortes. À l'évidence, les « auteurs-compilateurs » de ces textes n'ont pas cherché à distinguer entre mythe et histoire.

En prenant pour exemple plusieurs chroniques inédites, l'auteur de cet article tente de montrer tendances et constantes qui fixent les contours du genre tamnan. Il s'agit essentiellement d'un cadre temporel et géographique établi par la tradition bouddhique dont le texte est une répétition rituelle mais modulable. À l'intérieur de ce cadre sont exposés des séries d'événements réels ou imaginaires, vécus, craints ou souhaités par le « chroniqueur » qui construit alors son récit original.

L'analyse est ici essentiellement philologique mais l'auteur signale que les textes de tamnan ne peuvent être véritablement compris sans tenir compte de l'usage social qui en était fait : si quelques chroniques politiquement utiles (que ce soit au « prince » ou aux dignitaires religieux) réclamaient des comptes rendus factuels pour une lecture technique légitimisante, la grande majorité des textes de tamnan furent composés dans un but édifi ant pour des lectures publiques.

Pierre BÂTY

Les couteaux angkoriens de Trapeang Thlok et de Prasat Trapeang Ropou

Une série de couteaux en fer des XIe et XIIe siècles a été récemment découverte au Cambodge lors de fouilles archéologiques dans la région d'Angkor et dans le Phnom Kulen. Un travail de restauration a été effectué en France sur quatre lames issues de ces contextes archéologiques. Il a permis la mise en évidence de fourreaux en cuir conservés grâce à leur imprégnation par l'oxyde de fer. Cette étude propose l'amorce d'un classement typologique qui s'appuie sur les rares exemples de lames de couteaux en fer connus pour cette période chronologique et sur leurs représentations à Angkor Vat et au Bayon. L'utilisation du cuir à l'époque angkorienne semble n'avoir jamais été signalée à ce jour par les archéologues. Cette découverte permet de modérer certains a priori sur la « permanence des formes » de certains types d'outils. La question du statut de ces objets est également posée : ostentatoires, militaires, personnels...

Éric BOURDONNEAU

Réhabiliter le Funan. Óc Eo ou la première Angkor

L'histoire funanaise occupe une position charnière dans l'histoire de l'Asie du Sud-Est. Cela l'a rendue extrêmement sensible à l'évolution des regards portés sur les deux grandes problématiques qui traversent l'historiographie : l'indianisation et la formation de l'État. Depuis trois bonnes décennies, en réaction aux travaux antérieurs, la priorité s'est imposée de montrer combien ces deux processus n'ont guère affecté la continuité culturelle et sociopolitique de la région. L'histoire du Funan apparaît d'autant plus sujette à révision qu'elle illustrait jusqu'alors l'étroite imbrication entre l'indianisation et la formation de l'État. De différentes façons, il importerait désormais de disjoindre ces deux processus.

Il en résulte cette image curieuse d'un Funan dépossédé de ses principales sources documentaires, afi n de correspondre au mieux à la vision d'un « proto-État » qui ne serait indianisé que superfi ciellement. Emblématique à cet égard est le traitement réservé à l'« urbanisme » de l'ancienne ville de Óc Eo, dont les grandes caractéristiques font l'objet d'un « oubli » surprenant. Nous nous proposons ici d'en reprendre la description, puis de refaire la démonstration, à la lueur des nouvelles données disponibles, tant de son ancienneté que de la référence à un modèle indien. Ce faisant, nous sommes amené à repenser la place de Óc Eo dans l'histoire urbaine de la région, en la défi nissant comme une sorte de « première Angkor » dont l'« urbanisme » géométrique apparaît comme l'une des grandes spécifi cités du Cambodge ancien.

John R. FINLAY

Les perspectives occidentales de l'empereur Qianlong : perspective linéaire et trompe-l'oeil dans les palais européens du Yuanming yuan

L'empereur Qianlong (r. 1736-1795) appréciait les jeux de trompe-l'oeil rendus possibles par la technique artistique européenne de la perspective linéaire. Les artistes missionnaires jésuites exerçant à la cour des Qing, parmi lesquels l'Italien Giuseppe Castiglione, alimentèrent le goût impérial pour les images occidentales exotiques avec de nombreuses peintures et décorations murales. Cependant, les illusions visuelles les plus spectaculaires créées pour l'empereur faisaient partie d'un groupe de bâtiments construits au Yuanming yuan, le palais-jardin impérial des Qing situé dans le nordouest de Pékin dans un style hybride européen et chinois. C'est dans ce complexe, au sein des palais dits « européens », que l'on recréa pour la contemplation de l'empereur quelques caractéristiques particulières des jardins européens dans des constructions qui décrivaient les illusions merveilleuses des perspectives occidentales. Les sources sur lesquelles Castiglione et ses collègues se sont appuyés et la créativité avec laquelle ils les ont transformées pour leur mécène impérial révèlent une interaction complexe entre les cultures visuelles chinoise et européenne, matérialisée par ces productions exotiques, et d'autres contemporaines, qui font appel aux techniques de trompe-l'oeil et ont toutes pour point de mire la personne de l'empereur.

Sem VERMEERSCH

Temples bouddhiques ou champs de bataille politiques ? Les temples de Kaesŏng et leur relation avec la cour et l'aristocratie

Le bouddhisme jouait sous la dynastie Koryŏ un rôle important en tant que religion offi cielle. Bien que les moines ne pussent participer à la vie politique, les temples, en tant qu'ils étaient des représentations symboliques du pouvoir dynastique, étaient considérés comme des prolongements du pouvoir politique. Une étude systématique des relations entre les abbés d'importants temples de la capitale Kaesŏng et la lignée royale et les élites politiques au cours des XIe et XIIe siècles montre que la plupart de ces abbés étaient des rejetons des familles qui dominaient le gouvernement temporel. Toutefois, en dépit d'efforts pour maintenir la dignité abbatiale d'un temple donné dans une même famille en la transférant de l'oncle paternel au neveu, les lignées conservaient rarement le contrôle exclusif d'un temple. On observe ainsi, dans la plupart des cas, une alternance entre les abbés issus de familles éminentes et ceux issus d'élites locales moins éminentes. Il n'en reste pas moins que les temples servaient de lieux de rencontre de la vie aristocratique de la capitale, et ils comportaient des bâtiments spéciaux où les élites monastiques et séculières pouvaient nouer des relations, et où d'éminents moines pouvaient se retirer.

Imre HAMAR

La manifestation de l'absolu dans le monde phénoménal : l'émergence originelle des choses à partir de la nature dans l'exégèse Huayan

La doctrine de l'émergence originelle des choses à partir de la nature est l'une des plus notables contributions que le bouddhisme Huayan a apportée à la philosophie bouddhique de l'Asie de l'Est. Nous nous proposons dans cet article de traiter du halo sémantique de cette notion dans le Sūtra de l'Ornementation fl eurie (Avatamsaka-sūtra) ainsi que de la façon dont les exégètes du Huayan l'ont interprétée dans leurs commentaires sur ce texte. Le chapitre de l'Avatamsaka-sūtra intitulé « Manifestation du Tathāgata », qui fait usage de l'expression « émergence originelle des choses à partir de la nature », décrit l'apparition du Tathāgata dans le monde phénoménal pour le bénéfi ce des êtres vivants. Il déclare en outre que les êtres vivants sont porteurs de la sapience du Tathāgata. Il sera montré que dans l'exégèse Huayan les deux aspects sont pris en considération, avec un accent particulier mis sur la nature de Buddha inhérente aux êtres vivants et détachée de la culture. La manière dont a été comprise cette notion a considérablement changé au cours de l'histoire du bouddhisme Huayan, en fonction des milieux religieux et sociaux.

Actualité de l'EFEO
Nouvelle Parution
Paris, France,

À l'ombre du palmier à sucre
Les campagnes cambodgiennes sous protectorat français à travers l'exemple de Kampong Thom

Mathieu Guérin

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Nouvelle publication
Paris, France,

Arts Asiatiques 77 (2022), École française d'Extrême-Orient, Paris, 2022, 180 pages. 

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Exposition ''Louis Finot et le Yunnan''
Paris, France,

L'exposition photographique "Louis Finot et le Yunnan" est installée au 1er étage de l'EFEO jusqu'à fin décembre 2022.
Une cinquantaine de clichés présentent le voyage que Louis Finot a entrepris probablement dans les années 1920 à Yunnan fou (actuelle ville de Kunming). Ces clichés sont une sélection de ceux présentés par Alain Arrault dans l'album photographique Mémoires de Chine (EFEO/Magellan, 2022).
La rédaction de Mémoires de Chine a, par ailleurs, permis de renseigner les 850 plaques de verre stéréoscopiques du fonds Louis Finot prises en Chine. Ces clichés viennent d'être mis en ligne sur le site de photothèque.
Nouvelle parution

The Sumatipañjikā. A Commentary on Cāndravyākaraṇavṛtti 1.1 and 1.4 , Ramhari Timalsina, Collection Indologie 153,  Pondichéry : EFEO / IFP, 426 pages.

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Nouvelle parution