Résumés / Abstracts

Nicolas Standaert

CHRISTIANITY AS A RELIGION IN CHINA: INSIGHTS FROM THE HANDBOOK OF CHRISTIANITY IN CHINA: VOLUME ONE (635-1800)

L'étude du christianisme en Chine est un champ de recherches qui a connu des changements majeurs au cours des dernières décennies. On peut identifier au moins trois développements majeurs : le changement conduisant d'une approche principalement missiologique et européenne à une approche sinologique et sinocentrique ; un mouvement descendant qui s'est traduit par un déplacement des centres d'intérêt transférés des élites aux gens du commun ; enfin, un questionnement portant sur les notions fondamentales telles que "religion", "christianisme" ou "Chine". En prenant comme point de départ le Handbook of Christianity in China (635-1800) (Leiden, E.J. Brill, 2001), cet article recherche les implications induites par ces changements dans l'étude de la culture chinoise.

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Norman J. Girardot

THE VICTORIAN TEXT OF CHINESE RELIGION: WITH SPECIAL REFERENCE TO THE PROTESTANT PARADIGM OF JAMES LEGGE'S RELIGIONS OF CHINA

Un aspect important, bien que négligé, dans l'étude de l'orientalisme sinologique du dix-neuvième siècle et de ses conceptions souvent contradictoires de la religion chinoise concerne la relation intime entre la tradition missionnaire et les nouvelles disciplines philologiques ou orientalistes, ainsi qu'avec les nouvelles approches "comparatives" de l'étude des religions non chrétiennes (incarnées dans les travaux de Max Müller). Cet article examine les relations réciproques - faites de proximité et d'ambiguïté - entre l'orientalisme sinologique, la science comparée des religions et une certaine forme en évolution d'un "paradigme protestant" d'interprétation associé au mouvement missionnaire du dix-neuvième siècle. Ici, nous nous attacherons à l'exemple le plus important de l'entreprise savante protestante : le grand traducteur des classiques chinois et des "Sacred Books of China" (pour la série des Sacred Books of the East dirigée par Müller), James Legge (1815-1897). En particulier, son ouvrage pionnier The Religions of China. Confucianism and Taoism Described and Compared with Christianity (1880), sera analysé comme le premier "manuel" comparatif portant sur les religions chinoises. Le paradigme protestant et orientaliste de Legge a clairement eu des implications profondes pour le développement de l'étude des religions chinoises pendant la majeure partie du vingtième siècle.

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John R. McRae

RELIGION AS REVOLUTION IN CHINESE HISTORIOGRAPHY: HU SHIH (1891-1962) ON SHEN-HUI (684-758)

Même s'il a rarement été reconnu en tant que tel, Hu Shih (1891-1962) a apporté une importante contribution aux études sur le bouddhisme chan en Chine. Son intérêt portait sur le moine Shenhui (684-758) dont il avait découvert les écrits parmi les collections de manuscrits de Dunhuang conservés à Paris et à Londres. Outre ses recherches sur la biographie et la pensée de Shenhui, Hu présenta une interprétation du rôle historique de ce moine novateur qui devait exercer une profonde influence sur la constitution moderne de la compréhension du bouddhisme chinois. Cet article résume et critique les travaux de Hu sur Shenhui. Pour ce faire, il analyse son interprétation dans les termes de son programme historiographique, et aussi d'après sa projection rétrospective sur l'histoire religieuse et intellectuelle chinoise du huitième siècle et des siècles suivants, de la situation délicate de la Chine à l'orée du vingtième siècle. L'interprétation très imparfaite de Shenhui faite par Hu contribua de façon fondamentale à sa théorie de la "Renaissance chinoise". Nos images de l'évolution du chan en Chine et du rôle du bouddhisme dans l'histoire chinoise ont besoin d'être réévaluées afin d'éviter des erreurs d'interprétation de même nature.

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Daniel L. Overmyer

FROM "FEUDAL SUPERSTITION" TO "POPULAR BELIEFS": NEW DIRECTIONS IN MAINLAND CHINESE STUDIES OF CHINESE POPULAR RELIGION

C'est environ à partir de 1990 que les chercheurs chinois ont commencé, pour la première fois depuis cinquante ans, à publier des études sur les traditions religieuses des Chinois ordinaires ; certaines d'entre elles assez générales et recourant à un style populaire, d'autres plus sérieuses et détaillées. Avec l'aide de deux collègues chinois, l'auteur a rassemblé cinquante deux ouvrages sur le sujet. Cet article est un compte rendu critique des ouvrages qui, dans cet ensemble, présentent le plus de valeur pour la recherche universitaire. Cette évaluation nouvelle de la religion populaire est à la fois un phénomène culturel et académique. Ces livres traduisent les débuts d'un changement quant à la perception autochtone de la culture chinoise dans son ensemble et aux sujets sur lesquels un chercheur peut légitimement poursuivre ses recherches. Il n'est pas exagéré de dire que c'est la première fois dans l'histoire chinoise que les activités et les croyances religieuses des gens ordinaires font l'objet d'autant d'attention et de publications. Bien sûr, une ambivalence demeure à propos de la légitimité de ces traditions, et la qualité de ces études est variable, mais, l'existence même de ces livres est importante. Nous pouvons nous réjouir de ce phénomène tout en gardant à l'esprit une perspective critique sur les travaux publiés. Ceux-ci restent, avant tout, un bon départ.

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Peter Tze Ming Ng

PARADIGM SHIFT AND THE STATE OF THE FIELD IN THE STUDY OF CHRISTIAN HIGHER EDUCATION IN CHINA

L'histoire de l'enseignement supérieur chrétien en Chine a souvent été reléguée comme une simple partie de l'histoire des missions en Chine et son interprétation réduite à la perspective du mouvement missionnaire. Toutefois, depuis deux décennies, le cadre général a changé. Le présent article est un compte-rendu mis à jour du changement de modèle intervenu ; il rend compte de l'état des recherches dans ce champ scientifique, notamment depuis ces quinze dernières années. Les bouleversements intervenus ont été d'une telle importance que l'histoire de l'enseignement supérieur chrétien est désormais envisagée, non plus simplement comme une partie de l'histoire des missions, mais plutôt comme un secteur dans les développements plus larges de l'éducation moderne en Chine. Des efforts plus intenses et une attention plus suivie portent sur l'étude des chrétiens Chinois et sur l'exploration des multiples matériaux d'archives liés à l'enseignement supérieur chrétien en Chine.

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Glen Dudbridge

TANG SOURCES FOR THE STUDY OF RELIGIOUS CULTURE: PROBLEMS AND PROCEDURES

Cet article étudie les problèmes de l'utilisation des témoignages écrits comme sources permettant de comprendre la religion telle qu'elle se pratiquait en réalité. Son point de départ est la forte dénonciation faite par J. J. M. de Groot des textes canoniques en tant que représentations adéquates d'une culture religieuse diverse selon les lieux et qui change au fil du temps. Cet article accepte la tension entre travail de terrain et interprétation historique, mais il veut rappeler que toute analyse ou description de la vie sociale provient de la perception de ses observateurs. Ceux-ci donnent naissance à leur propre lecture des sources qu'ils ont choisies. En gardant ce point précis à l'esprit, l'article examine un certain nombre d'études récentes sur la religion à l'époque Tang tout en essayant de trouver un mode de lecture plus critique des sources. Il plaide pour une approche plus nuancée de la question du genre des œuvres littéraires en introduisant un éventail plus large de matériaux dans le champ de l'analyse. Les récits appelés Zhi guai peuvent avoir une légitimité égale à celle des inscriptions et des histoires chronologiques, quand leur mode de lecture rend compte de la complexité des actes sociaux et des contextes qu'ils impliquent. La conclusion est tournée vers une reconstruction plus riche et plus subtile de la vie religieuse à l'époque Tang, rendue possible une fois que ces nouveaux modes de lecture ont inclus la totalité des diverses sources héritées du passé.

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Poul Andersen

CONCEPTS OF MEANING IN CHINESE RITUAL

Une tendance commune de la théorie anthropologique - tendance que l'on retrouve également dans certaines formes de philosophie du langage - a été de chercher une compréhension relativement objective des actions culturelles telles que le rituel, et d'émettre des doutes sur l'idée d'un rôle déterminant de la signification et de l'interprétation dans ces actions. Après une discussion des concepts fondamentaux de la signification qui renvoie à Wittgenstein, Husserl, Merleau-Ponty, Quine et Putnam, l'auteur affirme que la signification est "relationnelle" et qu'elle est toujours déterminée par un système de traits intersubsjectifs et partagés, ainsi que par des modes de compréhension et d'utilisation individuels dans des contextes spécifiques. Quant au rituel, il fonctionne de manière analogue à la langue naturelle - une vue entièrement étayée par les discussions sur la signification du rituel dans la littérature classique chinoise aussi bien que dans les manuels taoïstes de liturgie des époques Song et Ming. Une formulation taoïste de l'époque des Ming témoigne d'un accent beaucoup plus fort mis sur les pratiques de visualisation, comparé à ce à quoi nous sommes habitués dans la tradition philosophique occidentale. Elle implique une conception de la signification en conflit ouvert avec certaines de manières de comprendre celle-ci dans la philosophie occidentale actuelle. Toutefois, étant donné l'importance de la visualisation dans la constitution du rituel chinois, cette dernière devra peut-être être prise en considération dans une discussion plus générale de l'idée de signification.

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Patrick J. Geary

PEASANT RELIGION IN MEDIEVAL EUROPE

Le christianisme a commencé comme un phénomène urbain et s'est lentement diffusé dans le monde rural, absorbant sans rupture sérieuse les pratiques pré-chrétiennes centrées autour des offrandes faites aux divinités locales dans les forêts et les cours d'eau afin d'assurer la fertilité des récoltes et du bétail ainsi que la santé et la protection des communautés locales. À partir du douzième siècle, le lieu de la pratique religieuse devint la paroisse. Dans cet espace, les paysans étaient inclus en tant que spectateurs dans les cérémonies liturgiques officielles, mais ils étaient impliqués plus activement dans les groupes pénitentiels, dans la vénération des saints, dans les pèlerinages, et dans la formulation et l'accomplissement de vœux faits en échange d'une assistance divine. L'évaluation savante de telles pratiques a été rendue plus complexe par la polémique chrétienne et par les définitions de la religion en général et du christianisme en particulier. Certains chercheurs identifient le christianisme médiéval à l'orthodoxie officielle tandis que d'autres affirment que la religion paysanne est un système culturel complexe en tension dynamique avec la religion savante. D'autres chercheurs encore préfèrent parler de religion locale, plutôt que de recourir aux termes d'élite et de populaire.

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